Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 240

Une responsabilité ministérielle effective : la garantie du régime

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« C'est sur ce principe que porte surtout la transaction. On ne concède le titre de
président de la République que pour obtenir une plus réelle responsabilité ministérielle », sinon « tout serait remis en question » affirment-ils encore38. Alors que
les commissaires se penchent ensuite sur la nécessité de distinguer la responsabilité individuelle et solidaire des ministres, Rivet explique désormais qu'il lui
semble inutile de distinguer la responsabilité du Président et de celle des ministres
alors même que son texte initial l'envisageait. Finalement la commission se décide,
sur la suggestion de Saint Marc Girardin à rédiger deux articles séparés39 et
adopte l'ensemble du projet par 10 voix contre 5.
273.  La loi Rivet constitue le premier jalon de la codification du régime parlementaire en consacrant un exécutif dual, formé d'un ministère et d'un président
de la République. Ce dernier étant toutefois responsable devant l'Assemblée,
comme les ministres, dans des conditions qui ne sont pas précisées, cette distinction ne peut s'avérer opérante dans la pratique. De fait, Thiers absorbe largement
la responsabilité des ministres dès lors que le gouvernement est attaqué, ce qui est
somme toute logique puisque c'est lui qui en fixe effectivement la politique, en
témoigne sa démission avec le ministère le 20  janvier 1872 pour un différend
d'ordre économique avec l'Assemblée (un impôt sur les matières premières dont
le chef de l'État se faisait l'avocat)40. Si l'Assemblée rejette cette démission, en
expliquant qu'il ne s'agit pas d'une mise en cause de la responsabilité de l'exécutif,
il est possible de noter que le gouvernement et le chef de l'État « tombent » pour
une mesure de « détail », qui n'engage en rien la « politique générale du gouvernement ». On aurait à la rigueur pu envisager une mise en cause du ministre des
finances, mais il n'en est rien (Thiers lui-même avait plaidé pour cette mesure). Du
reste, Thiers explique à la commission « loi de Broglie » le 16 décembre 1872 qu'il
se « considère [...] comme un premier ministre qui s'est adjoint des collègues et qui
dépend d'un vote de la Chambre »41. Pour lui, la responsabilité ministérielle existe
donc déjà dans la loi et dans la pratique, « à un degré inconnu jusqu'à présent »42.
38. Ibid.
39. Beulé avait également insisté pour distinguer la responsabilité des ministres de celle du
Président. La rédaction de la commission, qui est celle retenue par la loi du 31 août 1871, dispose donc
dans son article 2 que le Président « nomme et révoque les ministres », que « Le conseil des ministres
et les ministres sont responsables devant l'Assemblée » et que « Chacun des actes du président de la
République doit être contresigné par un ministre » ; l'article 3 que « Le président de la République est
responsable devant l'Assemblée ». On peut noter que Vitet avait indiqué préférer le terme ministère
car il établit « plus nettement » la solidarité, sans toutefois être suivi par ses collègues : « Le mot
indique un tout homogène devant être d'accord sur tous les points de la politique » (ibid.).
40. S'ensuit un débat agité qui prouve la volonté de la quasi-unanimité des députés que Thiers ne
parte pas. Le député du Centre droit Batbie propose un ordre du jour qui explique notamment que le
vote de l'Assemblée la veille « ne peut être à aucun titre regardé comme un acte de défiance ou d'hostilité,
et ne saurait impliquer le refus de concours qu'elle a toujours donné au Gouvernement » et qu'elle refuse
la démission. L'ordre du jour est voté à la quasi-unanimité (le député Cochery signale 8 contre) et Thiers
revient sur sa démission après avoir pris connaissance de ce vote. (JO du 21 janvier 1872, p. 451-455).
41. C II 607. Le 29 novembre, Thiers tenait un langage semblable devant l'Assemblée : « J'ai dit
que, sous la monarchie, alors que le prince régnant, prince héréditaire, pouvait être bon ou mauvais,
éclairé ou non éclairé, faible ou courageux, il fallait, pour qu'on ne fût pas sous le despotisme [...]
substituer à ce prince un individu désignée par la majorité d'une Assemblée désignée elle-même par la
majorité du pays, et que cet individu fût responsable pour le monarque qui ne devait pas l'être. [...] Oui
sous la monarchie, le système parlementaire a ce sens-là. Sous la République, le système parlementaire
le voici : c'est le chef devant une assemblée, qui parle à cette assemblée, qui tâche de la persuader, et
qui, s'il ne la persuade pas, se retire » (JO du 30 novembre 1872, p. 7410).
42. C II 607.

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