Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 246

Une responsabilité ministérielle effective : la garantie du régime

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pour la « raison principale » que Thiers « est toujours à nos yeux le négociateur
chargé de racheter la liberté et de réparer les malheurs de la France »72. L'argument utilisé est donc à la fois contextuel et personnel. Il ne repose pas sur l'appréhension théorique de la responsabilité ministérielle des conservateurs ou des
-libéraux et montre la volonté de la majorité de la commission d'afficher qu'on ne
statue pas en général mais pour un cas particulier. In fine, la droite est prisonnière : elle veut une responsabilité ministérielle effective mais refuse de rendre
Thiers irresponsable, ce qu'il ne demande du reste nullement. Le dispositif proposé par la commission prévoit donc qu'en principe, les interpellations ne peuvent
viser que les ministres mais pose des exceptions qui en rendent la portée très incertaine : d'une part, le Président peut intervenir dès lors que la mise en cause a trait
à la politique extérieure ; d'autre part et surtout, si le Conseil des ministres (dirigé
par le Président...) décide que l'interpellation vise la politique générale du gouvernement qui engage la responsabilité du Président, ce dernier peut être entendu73.
280.  Lors des longs débats sur le projet devant l'hémicycle, d'autres amendements tentent -  sans davantage de succès qu'en commission  - de trouver la formule qui permette à la loi de fonctionner pratiquement, en minimisant ou en
excluant les possibilités d'intervention présidentielle. Ainsi, le 6  mars 1873  le
député de la Gauche républicaine Sansas entend réserver les interpellations aux
ministres et veut de surcroît en rationaliser la procédure de mise en œuvre :
« Les interpellations ne peuvent être adressées qu'aux ministres et non au
président de la République.
Les questions ministérielles ou de portefeuille devront être catégoriquement
posées en ces termes : " Tel ministre ou le ministère a ou n'a pas la confiance de
l'Assemblée. " Elles ne pourront jamais être résolues implicitement par le blâme
ou l'approbation d'un fait particulier.
Les questions ministérielles et les questions gouvernementales touchant aux
attributions ou à la constitution des pouvoirs publics ne pourront être résolues
qu'à la majorité des deux tiers des voix, avec le concours des deux tiers au moins
des membres de l'Assemblée »74. Le député indique vouloir être en mesure de blâmer un ministre sans forcément le renvoyer et justifie la majorité qualifiée pour
certaines interpellations par un souci de gouvernabilité en l'absence de droit de
dissolution75. La manœuvre, qui pourrait sembler habile pour éviter la chute des
72. Ibid., p. 1287. Le dispositif retenu par la commission est celui proposé par le commissaire du
Centre gauche Duchâtel, adopté par 21 voix contre 8 (1re séance du 27 janvier 1873, C II 609).
73. Article 3 du projet qui devient l'article 4 de la loi du 13 mars 1873 : « Les interpellations ne
peuvent être adressées qu'aux ministres et non au président de la République.
Lorsque les interpellations adressées aux ministres ou les pétitions envoyées à l'Assemblée se
rapportent aux affaires extérieures, le président de la République aura le droit d'être entendu.
Lorsque ces interpellations ou ces pétitions auront trait à la politique intérieure, les ministres
répondront seuls des actes qui les concernent.  Néanmoins, si par une délibération spéciale,
communiquée à l'Assemblée avant l'ouverture de la discussion par le vice-président du conseil des
ministres, le conseil déclare que les questions soulevées se rattachent à la politique générale du
gouvernement et engagent ainsi la responsabilité du président de la République, le président aura le
droit d'être entendu dans les formes déterminées par l'article 1er. Après avoir entendu le vice-président
du Conseil, l'Assemblée fixe le jour de la discussion » (Annexe II. 3.).
74. JO du 7 mars 1873, p. 1585. Sansas explique que son amendement a l'avantage de ne pas
toucher au projet de loi dans son ensemble, « ce qui prouve, pour le dire en passant, que ce projet reste
un peu en dehors de la question principale qu'il s'agissait de résoudre » (ibid.).
75. Ibid.

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