Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 252

Une responsabilité ministérielle effective : la garantie du régime

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le gouvernement de Cissey est cette fois réellement mis en minorité104, le président
de la République n'est jamais directement visé. La responsabilité de l'exécutif ne
se concrétise plus que par celle des ministres, quelle qu'ait été l'influence du Président sur les décisions gouvernementales et sans que la distinction entre « politique générale » et « politique particulière » ne soit invoquée, alors même que la
« loi chinoise » la prévoit. In fine, c'est le vice-président du Conseil qui devient le
chef du gouvernement. La nomination de Broglie, chef du « parti » majoritaire
de la coalition monarchiste est à ce titre logique. De surcroît, l'influence politique
du duc sur le maréchal ne fait guère de doute105. Si Thiers cumule les fonctions de
chef d'État et du gouvernement, son remplacement par Mac Mahon transforme
donc le bicéphalisme exécutif qui devient conforme aux canons du régime parlementaire. Du reste, lors des discussions sur le Septennat, la question de la responsabilité ministérielle n'est jamais abordée, ni devant la commission, ni devant
l'hémicycle, la personnalité de Mac Mahon depuis le 16  mai satisfaisant les
monarchistes. En d'autres termes, la loi du 13 mars « fonctionne mieux ».
287.  Il convient cependant de reconnaitre qu'un doute sur la réalité de cette
transformation pourrait surgir avec la démission de Broglie le 16 mai 1874. Ce
dernier est remplacé par le général de Cissey106 dont l'influence politique semble
très réduite au regard de son prédécesseur. Dans les débats, de Cissey apparaît
davantage en retrait que le chef du Centre droit et le peu de considération pour lui
dans les ouvrages des historiens ou des juristes n'en font guère un personnage
central de la vie de l'Assemblée de 1871. Rappelant les maréchaux de la monarchie
de Juillet (Soult, Gérard, Mortier), le général ressemble davantage à un « buste »,
sans « poids politique » ni « aucune autorité » devant la Chambre107, ce qui
-  comme sous l'empire de la Charte rénovée  - permettait à un autre ministre de
de Mac Mahon, conduit à l'adoption d'un ordre du jour pur et simple, alors que le gouvernement
prend parti en faveur d'un ordre du jour motivé du député du Centre droit Paris (« L'Assemblée
nationale, Convaincue que le seul moyen de mettre fin aux agitations des partis est de donner pour
base aux pouvoirs conférés pour sept ans au maréchal de Mac Mahon par la loi du 20 novembre 1873
l'organisation du gouvernement de la République, Passe à l'ordre du jour ») (JO du 9 juillet 1874,
p. 4762-4770).
104. Grivart, le ministre de l'agriculture et du commerce, lit un message du Président de la
République qui appelle l'Assemblée à examiner les lois constitutionnelles. Lors du débat sur l'ordre du
jour, Batbie, au nom de la commission des Trente, demande l'examen en priorité de la loi sur le Sénat
avant celle sur l'organisation et la transmission du pouvoir exécutif. Après un débat, l'Assemblée
décide de ne pas donner la priorité au projet de loi sur le Sénat et de commencer les discussions
constitutionnelles après la deuxième lecture du projet de loi sur l'armée. (JO du 7 janvier 1875, p. 105106 et p. 1116116). Le ministère ne démissionne cependant pas pour expédier les affaires courantes
jusqu'au vote des deux premières lois constitutionnelles.
105. Voir à ce sujet l'indispensable étude sur Albert de Broglie de l'historien américain Alan
Grubb (The Politics of Pessimism, Albert de Broglie and the Conservative Politics in the Early Third
Republic, op. cit., spéc. p. 212). Un indice en ce sens peut également être trouvé dans les discussions
constitutionnelles : auditionné par la commission chargée d'examiner le Septennat, après un message
de Mac Mahon qui refuse le premier projet qui en est issu, de Broglie « accepte la part de responsabilité
qui lui revient dans le Message. Si M. le Président a fait un Message, c'est peut-être parce qu'il a su que
la Commission n'avait pas cru nécessaire de débattre la question de prorogation avec les ministres »
(séance du 17 décembre 1873, C 3136).
106. Élu à l'Assemblée lors des élections complémentaires du 2 juillet 1871, qui n'est membre
d'aucun « parti » mais proche du Centre droit (GROS, L'Assemblée nationale de 1871..., op.  cit.,
Annexe 2, Répertoire biographique des parlementaire ayant siégé à l'Assemblée nationale de 1871,
p. 729).
107. Pour reprendre l'expression du Professeur Laquièze (Les origines du régime parlementaire
en France, op. cit., p. 266).

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