Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 266

L'irresponsabilité du chef de l'État : l'illusion du monarque constitutionnel

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g- ouvernement, puis le remplacement de Thiers par Mac Mahon le 24 mai de la
même année qui permet à la responsabilité ministérielle de mieux fonctionner ne
font que consolider l'institution. L'irresponsabilité présidentielle émerge ainsi
progressivement dans les faits en ayant pour corollaire la consécration réelle de la
responsabilité du ministère. Le vote du Septennat en novembre 1873, qui rend en
pratique Mac Mahon irrévocable (quoique ce soit juridiquement discutable) solidifie encore le président de la République : pour les conservateurs, la durée du
mandat présidentiel est en elle-même une garantie de sa force, qui favorise de
surcroît l'affirmation de son irresponsabilité par l'article 6 de la loi du 25 février
1875. Le « long Président »9 installé par la loi du 20 novembre 1873 est alors simplement confirmé par les lois constitutionnelles qui se limitent à supprimer le
caractère personnel du dispositif (I.). À l'image du monarque de la Charte de
1830, le Président irresponsable se voit de surcroît confirmer de larges prérogatives, en tant que chef de l'exécutif, dont la plupart existent avant leur cristallisation dans le droit écrit (II.).
I. UN « LONG PRÉSIDENT »
303.  Il est bien connu que la durée du mandat présidentiel fixée à sept ans par
l'article  2 de la loi constitutionnelle du 25  février 1875 a pour origine la loi du
20 novembre 1873 qui confie au maréchal de Mac Mahon la direction du pouvoir
exécutif jusqu'au 20 novembre 1880. Initié par les monarchistes après que les positions de Chambord et des ultras aient anéanti toute hypothèse de restauration à
court terme, il ressort cependant de l'examen du processus d'écriture constitutionnelle que le Septennat ne répond pas seulement à des préoccupations contextuelles
mais trouve également certaines justifications institutionnelles pour une partie des
monarchistes modérés. Il apparaît surtout que l'adoption de la mesure, qui n'est
pas remise en cause lors de la rédaction des lois constitutionnelles, transforme en
profondeur l'appréhension du rôle du président de la République.
304. La création de l'institution présidentielle par la loi Rivet ne fixe au
départ aucune durée au mandat du président de la République qui demeure lié à
celui de l'Assemblée10. Devant la commission, certains commissaires du Centre
gauche proposent toutefois de prédéfinir une durée de trois ans à ce pouvoir provisoire11 mais l'hypothèse n'est pas retenue. La commission se range à l'avis des
commissaires de Centre droit, comme Saint Marc Girardin qui souligne le risque
que Thiers puisse alors survivre à l'Assemblée12 et de Goulard qui propose d'indiquer que les pouvoirs Thiers dureront « autant que ceux de l'Assemblée », ce qui
pourrait donner « satisfaction pour tous »13. Lors des débats sur la loi du 13 mars
1873, certains membres du Centre gauche demandent à nouveau de fixer une
durée au mandat présidentiel14 mais n'insistent guère et le sujet n'est plus abordé,
9. Terme utilisé par le député du Centre droit Lambert de Sainte Croix devant la commission
« Septennat » pour rappeler aux commissaires républicains qu'un « grand nombre » de députés « ont
voulu créer un long Président » (séance du 10 novembre 1873, C 3136).
10. Art. 1er (Annexe II. 2.).
11. Proposition Rivet (Art. 2, Annexe IV. 2.) et amendement Maleville (Art. II, Annexe IV. 6.).
12. Séance du 18 aout 1871 (C 3136).
13. Séance du 19 aout 1871 (ibid.).
14. Comme le député Bertauld qui explique devant la commission ne pouvoir « déterminer la
responsabilité du Pouvoir Exécutif sans être fixé sur la nature et la durée de ses Pouvoirs » (séance du
9  décembre 1872, C II 607) ou le député Barthe qui propose notamment un mandat présidentiel

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