Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 273

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L'ÉCRITURE DES LOIS CONSTITUTIONNELLES DE 1875

suspensif en obligeant les parlementaires à effectuer une nouvelle délibération des
lois58 et il peut enfin décider de constituer le Sénat en Cour de justice pour juger des
attentats contre la sûreté de l'État59. Ces importantes prérogatives sont le fruit
d'une construction progressive tout au long du processus d'écriture mais ne suscitent pas toutes des débats de la même intensité. Autant ce qui relève des fonctions
« classiques » d'un chef de l'exécutif - l'incarnation du pouvoir - réunit presque
l'unanimité des députés, autant certains des aspects des rapports entre le président
de la République et Parlement - l'exercice du pouvoir - montrent des clivages
plus nets entre les constituants. Concernant ce dernier point, l'enjeu est en effet de
déterminer le degré d'indépendance de l'exécutif.
312. Dès la loi Rivet, une partie des attributions du président de la République est fixée dans le droit écrit. Le texte lui confie en effet la promulgation des
lois60 dont il « assure et surveille l'exécution »61, la nomination et la révocation des
ministres62 dont il préside le Conseil63. Une disposition amenée à évoluer, liée au
maintien de sa responsabilité, prévoit qu'il « est entendu par l'Assemblée nationale
toutes les fois qu'il le croit nécessaire, et après avoir informé de son intention le
président de l'Assemblée ». En 1871, cette possibilité d'intervention directe du Président devant la Chambre n'est que très peu discutée en tant que telle, car en lien
avec la personnalité de Thiers et la nécessité de le maintenir au pouvoir, sachant de
surcroît qu'il conserve un mandat de député qui lui permet par essence d'avoir son
entrée à l'Assemblée. En réalité, la loi Rivet ne consiste que dans une codification
partielle de ce qui est pratiqué depuis le Pacte de Bordeaux. Certaines propositions, comme la proposition initiale de Rivet ou celles des orléanistes Chambrun et
Perrot envisagent du reste d'être plus précises quant aux attributions du président
de la République64. Les débats devant la commission ne sont cependant pas très
riches, Rivet pensant d'ailleurs que ce qui devient l'article 2 de la loi qui porte son
nom est « inutile » car il ne fait « qu'indiquer les attributions du pouvoir exécutif
telles qu'elles sont pratiquées » et qui « ne sont contestées par personne »65. L'orléaniste Callet demande cependant à ce qu'il soit affirmé que le Président -promulgue
les lois, car « tout le monde est d'accord », ce à quoi souscrit le bonapartiste
-Bottiau qui suggère de plus de prévoir des délais de promulgation. Perrot, qui l'envisageait dans son amendement, propose alors de distinguer les lois votées avec la
procédure d'urgence des autres lois, la promulgation devant s'effectuer dans les
trois jours dans le premier cas et dans les quinze jours dans le second, ce que
défend également Saint Marc Girardin, un autre orléaniste. Finalement, c'est le
membre du Centre droit et futur rapporteur de la Commission Vitet qui propose
une rédaction sans intégrer de délai de promulgation, de Goulard précisant ensuite
58. Art. 7 al.2 de la loi du 16 juillet 1875. Il doit seulement motiver sa demande et la transmettre
dans le délai de promulgation de la loi.
59. Art .12 al.3 de la loi du 16 juillet 1875.
60. Art.2 al 1 (Annexe II. 2.).
61. Art. 2 al.2.
62. Il « nomme et révoque les ministres » (Art. 2 al.4).
63. Comme le note Mayeur, Thiers « relève de l'Assemblée, mais nomme les ministres et préside
leur conseil. C'est, observons-le au passage, à ces dispositions de circonstance, reprises par les lois
constitutionnelles de 1875, que remonte la présidence du conseil des ministres par le président de la
République, réalité contraire à l'usage des régimes parlementaires » (La vie politique sous la Troisième
République, op. cit., p. 25).
64. Annexe IV. 4. et IV. 7.
65. Séance du 24 août 1871 (C 3136).

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