Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 64

La Constitution anachronique : la monarchie chrétienne

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de la volonté de la nation, qu'il faut alors représenter. Enfin, à propos du bicaméralisme, Chambord va préciser sa position dans son manifeste du 27 juin 1874 en
expliquant que sa monarchie « tempérée comporte l'existence de deux Chambres,
dont l'une est nommée par le Souverain dans des catégories déterminées, et l'autre
par la Nation, selon le mode de suffrage réglé par la loi »81. Les libéraux n'en
disent pas moins.
50.  Chambord complète cependant sa proposition dans un sens très opposé
aux doctrines libérales de l'époque :
« Je veux trouver dans les représentants de la Nation des auxiliaires vigilants, pour l'examen des questions soumises à leur contrôle ; mais je ne veux
pas de ces luttes stériles de Parlement, d'où le souverain sort, trop souvent
impuissant et affaibli ; et si je repousse la formule d'importation étrangère,
que répudient toutes nos traditions nationales, avec son Roi qui règne mais
ne gouverne pas, là encore je me sens en communauté parfaite avec les désirs
de l'immense majorité, qui ne comprend rien à ces fictions, qui est fatiguée de
ces mensonges. »82
51.  Le rejet total de la responsabilité ministérielle, donc du régime parlementaire est ici évident. Albert de Broglie, l'un des orléanistes les plus influent de
l'Assemblée de 1871, commente sévèrement ce manifeste de Chambord : « les
garanties essentielles du gouvernement parlementaire sur lesquelles aucune difficulté, nous disait-on, n'avait été élevée, se voyaient traitée sur un ton qu'on
n'avait pas entendu depuis la chute de l'Empire. C'était, comme l'a depuis très
bien caractérisé le duc Pasquier, la constitution de 1852 enveloppée dans le drapeau blanc »83. Le programme constitutionnel des monarchistes plus libéraux
reposant principalement sur la mise en place d'un régime parlementaire fonctionnel84, l'accord entre eux et le Prince sur le contenu de la constitution est
impossible85. L'intransigeant député légitimiste Vinols de Montfleury explique
du reste dans ses Mémoires que les idées constitutionnelles des libéraux furent
bien plus déterminantes que la question du drapeau à l'automne 1873 pour
aboutir à l'échec de la restauration86.
52. Toutefois, connaître les positions du comte de Chambord ne permet
d'expliquer que l'impossibilité de la restauration à ses conditions. S'il est un
acteur du processus d'écriture à l'œuvre entre 1871 et 1875, il n'est pas son réalisateur. L'Assemblée seule l'est. La question est donc de savoir quelle priorité va
retenir les députés légitimistes : l'anti constitutionnalisme et la fidélité sans faille
81. CHAMBORD, op. cit., p. 77.
82. Ibid. p. 77-78. La publication par L'Union de ce manifeste entraine la suspension du journal.
83. BROGLIE (duc de) Albert, op. cit. p. 231.
84. Voir par exemple le programme de la droite reproduit par le député de Meaux (MEAUX
[vicomte de] Camille, Souvenirs Politiques, 1871-1877, Librairie Plon, 1905, p. 137).
85. Le légitimiste libéral Charles de Lacombe révèle dans ses mémoires que le 22 octobre 1873,
lors d'une réunion du Centre droit à propos du projet de restauration, deux députés (Vingtain et
Savary) « demandent que le mot responsabilité ministérielle soit placé dans l'article qui implique les
garanties inviolables » (op. cit., I. p. 213-214).
86. « Ce qui pour moi était miraculeux, c'est que le Comte de Chambord se fût entendu avec la
députation des Neuf sur la Constitution politique qu'ils lui avaient proposé. [...] Or, je redoutais que
dans cette Constitution les idées libérales du parti orléaniste n'eussent mis des entraves au pouvoir
souverain » (VINOLS  de MONTFLEURY [baron] Jules, Mémoires politiques d'un membre de
l'Assemblée nationale constituante de 1871, Le Puy, Imprimerie J. -M. Freydier, 1882, p. 149).

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