Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 74

La Constitution révolutionnaire : la République intégrale

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véhémence aux « éternels ennemis de notre organisation sociale », à « l'armée du
désordre » et aux radicaux de l'Assemblée qui appuieraient Thiers par tactique en
se présentant « comme les soutiens d'une politique qu'au fond ils détestent et les
alliés d'un homme qu'ils se promettent de sacrifier  si jamais le pays égaré leur
donnait la puissance »3. La République des radicaux est perçue par la majorité
monarchiste (et certains républicains conservateurs) comme d'essence révolutionnaire, amenant nécessairement le chaos et brisant la société dans ses fondements.
Le duc de Broglie le réaffirme dans l'interpellation du 23 mai 1873 qui conduit à
la chute de Thiers, en expliquant que si le Gouvernement ne se séparait pas des
radicaux « ce ne seraient pas seulement les lois constitutionnelles qui disparaitraient : ce seraient les lois organiques et fondamentales de la société elle-même
qui seraient bientôt atteintes »4. La « revanche légale de la Commune »5 serait
alors en marche en raison des élections partielles favorables aux républicains.
-Batbie, lui encore, défend la même idée en décembre 1873 devant la commission
des Trente, lors des premiers débats sur la loi électorale : « le suffrage universel s'il
suivait le mouvement auquel il parait obéir en ce moment nous conduirait à la
République démocratique et sociale et que la crainte de voir s'établir légalement
ce régime, ne serait-ce que par accident ou malentendu, suffirait pour détruire
tout sentiment de sécurité »6 affirme-t-il ainsi. Les positions de Broglie et Batbie
montrent une nette volonté de délégitimer toute hypothèse d'écriture constitutionnelle par des républicains mettant en œuvre un programme républicain,
quand bien même ces derniers deviendraient légalement majoritaires dans une
assemblée constituante. Pourtant, ni de Broglie, ni Batbie n'explicitent vraiment
en quoi les idées constitutionnelles républicaines radicales seraient si dangereuses,
ni en quoi les républicains radicaux de l'Assemblée sont révolutionnaires. Ils
seraient en réalité bien en mal de le faire, le seul réel point commun à l'ensemble
des républicains perçus comme radicaux dans et hors l'Assemblée étant le rejet
d'un chef d'État héréditaire7.
63.  Il est donc possible de noter la confusion volontairement entretenue par
les monarchistes entre les républicains, l'extrême gauche (l'Union républicaine
spécialement) et les tendances insurrectionnelles (par exemple des communards).
Le légitimiste Chesnelong explique ainsi devant la commission des Trente qu'il
n'existe qu'une « infime minorité » de républicains qui possède « l'esprit républicain » (les conservateurs), « l'esprit révolutionnaire » étant très majoritaire parmi
tous les autres8. Il considère que « [l]a République est l'expression complète et
naturelle en France de la Révolution »9. Cette affirmation, quelle que soit sa
3. JO du 27 novembre 1872, p. 7325.
4. JO du 24 mai 1873, p. 3281. Le rapport Batbie précité indiquait déjà que les conservateurs
étaient « justement inquiet des progrès du radicalisme et que nous marchions à son triomphe légal,
mal sans remède et bien pire que le triomphe passager d'une insurrection » (JO du 27 novembre 1872,
p. 7325).
5. JO du 24 mai 1873, p. 3278.
6. 10e séance, 31 décembre 1873 (C II 611).
7. Même le suffrage universel ne fait pas complétement l'unanimité parmi les révolutionnaires :
Paul Brousse, membre de l'Internationale, considère par exemple qu'il s'agit d'un moyen d'oppression
bourgeois, critiquant au passage très sévèrement les radicaux de l'Assemblée partisans de la légalité
(BROUSSE P., Le suffrage universel et le problème de la souveraineté du peuple, Genève, Imprimerie
Coopérative, 1874).
8. Au cours des débats sur la proposition Casimir Perier (53e séance, 17  juin 1874, C II
612-614).
9. Ibid.

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