Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 86

La Constitution révolutionnaire : la République intégrale

membres de l'Union républicaine (Louis Blanc, Quinet), de la Gauche républicaine (Jules Simon) et du Centre gauche (Laboulaye, Thiers)84. Dans les deux cas,
les fondements de la demande ne sont toutefois ni l'incompétence de l'Assemblée
à constituer, ni son absence de légitimité à le faire mais son impuissance causée
par la division des « partis » en son sein85. Les deux propositions suivent de près
deux décisions de l'Assemblée qui prolongent le provisoire, le vote de la loi du
13 mars 1873 et le rejet de la proposition Casimir Perier visant à poser les bases
de la rédaction des lois constitutionnelles, le 23 juillet 1874. Il s'agit pour les républicains de toutes tendances de constater pragmatiquement l'impossibilité d'écrire
une constitution qui puisse réunir une majorité, pas de remettre en cause la compétence ou la représentativité de l'Assemblée. L'argument est à ce titre plus difficilement contestable, en particulier en juillet 1874 alors que la commission des
Trente s'est - vainement - focalisée sur la loi électorale et retarde l'examen des
lois constitutionnelles. Il reçoit du reste un écho plus favorable puisque la prise en
considération de la proposition de Maleville est demandée par la commission
d'initiative86 et que l'Assemblée consacre la majeure partie de sa séance du 29 juillet 1874 à en débattre de manière animée87, avant finalement de la repousser par
375 voix contre 33288. Une ultime proposition de dissolution anticipée d'origine
radicale, déposée par Brisson le 12 février 1875 après le rejet du passage à la troisième délibération de la loi constitutionnelle sur le Sénat, reprend encore l'argument de l'impuissance constituante invoqué par les propositions du Centre
gauche : restant muet sur l'incompétence ou l'illégitimité de l'Assemblée, Brisson
veut convoquer les électeurs le premier dimanche du mois d'avril 1875 afin d'élire
une nouvelle assemblée, l'actuelle « venant d'échouer » à constituer89.
77. Au total, il apparaît que la négation de la compétence constituante de
l'Assemblée de 1871 et la critique de sa représentativité par les républicains radicaux ne sont que contextuelles. Dès lors que le Centre gauche demande également
la dissolution de l'Assemblée, ils se « rallient » à son argumentaire utilitariste sur
l'impuissance à constituer. Le problème n'est donc pas que l'Assemblée n'ait pas le
84. JO du 12 août 1874, Annexe n° 2583, p. 5786.
85. Le très court exposé des motifs constate que la « division des partis » empêche « l'organisation
des pouvoirs publics » et la « constitution définitive du Gouvernement » (ibid.).
86. Séance du 27 juillet 1874 (JO du 28 juillet 1874, p. 5304-5307). La discussion porte également
sur une proposition de dissolution déposée par le député bonapartiste Raoul Duval dont une autre
commission d'initiative demande également la prise en considération.
87. Leurent (Centre droit) fait un long exposé économique pour indiquer les dangers d'une
instabilité politique sur le commerce et l'industrie qui repartent et demande un simple ajournement de
l'Assemblée à décembre - ce qui avait été décidé le 24 juillet - (JO du 30 juillet 1874, p. 5363-5366).
Max Richard, pour le Centre gauche, veut au contraire que l'Assemblée fixe une date à la fin de ses
travaux en indiquant ne pas partager le sentiment économique de Leurent (ibid. p. 5366) Après que
Raoul Duval a longuement développé sa proposition, le monarchiste Depeyre vient répondre que
l'ensemble des demandes sont motivées par un esprit partisan, accusant celle de Maleville d'être une
formule « ou la République ou la dissolution ! » (ce que plusieurs républicains approuvent) (ibid.
p. 5371). L'orateur poursuit son exposé en assurant de façon assez agressive que la majorité
monarchiste ne refuse pas d'examiner les lois constitutionnelles (ibid. p. 5372-5374) Finalement,
Chabaud-Latour, alors ministre de l'intérieur, vient s'opposer à la dissolution mais « demande la
discussion immédiate des lois constitutionnelles » (ibid. p. 5374).
88. Ibid. p. 5375. Raoul Duval retire alors la sienne.
89. JO du 13 février 1875, p. 1178. Dans une brochure publiée début 1875, Turquet, un autre
membre de l'Union républicaine, suppose l'échec à venir de la rédaction et propose, cas échéant,
l'élection d'un Congrès spécialement chargé de voter une constitution pour juin 1875 (TURQUET
Edmond, Solution constitutionnelle, Le congrès de constitution, Paris, Librairie Germer Baillère, 1875).

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