Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 87

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L'ÉCRITURE DES LOIS CONSTITUTIONNELLES DE 1875

pouvoir de le faire, ni qu'elle soit une émanation infidèle de volonté de la nation
pour le faire mais qu'elle ne réussisse pas à le faire (parce qu'aucune majorité en
son sein ne veut le faire jusqu'en janvier 1875). De la même manière qu'ils rejoignent
le Centre gauche concernant la dissolution, les radicaux se rallient finalement aux
lois constitutionnelles de 1875, largement influencées par ce dernier.
II. LE RALLIEMENT AUX LOIS CONSTITUTIONNELLES DE 1875
78.  Les radicaux vont adopter durant le processus d'écriture constitutionnelle entre 1871 et 1875 une attitude à la fois discrète et défensive en adéquation
avec leur contestation initiale de la légitimité de l'Assemblée à constituer. Tout au
plus peut-on trouver dans les débats certaines propositions ou amendements qui
visent à reconnaitre ou à proclamer la République, sans toutefois envisager une
organisation institutionnelle précise90. Le plus souvent, les interventions des radicaux se limitent à défendre la République, ou certains principes qui y sont associés (le suffrage universel en particulier), des maux dont les conservateurs les
accusent et à dénoncer les dispositifs institutionnels ambigus examinés par l'Assemblée en lieu et place d'une constitution. Le long discours devant l'hémicycle
du membre de la Gauche républicaine Étienne Lamy le 30 août 1871 en témoigne.
Contestant la proposition issue des travaux de la commission, le député s'étonne
de l'attitude contradictoire des différents « partis » : « J'entends exclusivement
parler d'un pouvoir constituant que vous exercerez peut-être dans un, deux ou
trois ans, et je n'entends rien dire de l'organisation et de la vie d'un pouvoir exécutif que vous devez voter dans une heure. Je m'étonne qu'une proposition ait été
faite par le centre gauche, que cette proposition soit modifiée et que le centre
gauche se taise ; je m'étonne que la droite ait déclaré, à plusieurs reprises, toute
modification à l'organisme actuel mauvaise, et que cependant elle soit prête à la
voter. (Interruptions diverses) »91. L'orateur explique ensuite que la recherche
d'un affermissement du régime ne peut passer par une simple modification du
titre du chef du pouvoir exécutif92, avant de poursuivre sur la nécessité de se déterminer plus nettement sur la forme du gouvernement :
« [Le Pacte de Bordeaux est] incompréhensible en logique ou inexécutable en pratique. Messieurs, qu'est-ce que la constitution, le gouvernement,
90. Proposition Tarbelet du 9  mai 1871(Annexe V.  1.) ; proposition Peyrat du 16  mai 1871
(Annexe V. 2.) ; amendement Jules Simon du 13 novembre 1873 (Annexe V. 10.).
91. JO du 31 août 1871, p. 3095.
92. « Messieurs, en présence de cette popularité de M. Thiers, on a cru que l'instabilité de son
pouvoir était la plus anxieuse des préoccupations publiques, que sa retraite serait un deuil, qu'une
durée dans son pouvoir suffirait à assoir les intérêts et établirait la sécurité. Eh bien, il importe de
pousser plus loin et de se demander pourquoi le pays est attaché à M. Thiers ; car il importe que le
remède apporté soit conforme aux intentions réelles du pays. [...] Quand le pays acclame un homme,
ce n'est pas pour l'honorer, c'est pour s'en servir ; quand il veut l'élever, ce n'est pas sur une statue
immobile, c'est sur les milles bras d'une passion publique, que cet homme doit satisfaire ; quand il
réclame de la stabilité, il entend assurer, non une personne, mais une politique. [...] si le pays veut un
changement de politique et l'affermissement de la République, toute modification dans le pouvoir
exécutif est insuffisante pour y conduire ». Selon lui, comme « [l]'Assemblée demeure souveraine » et
que la proposition de la commission ne propose qu'un changement de titre du chef de l'exécutif, il
aurait fallu, pour être efficace, donner à Thiers « non un titre, mais une autorité nouvelle  [...], un
moyen de gouverner sans l'Assemblée, malgré l'Assemblée. Alors, messieurs, la mesure cesserait d'être
inefficace pour devenir criminelle, car elle installerait un pouvoir personnel [...] Ainsi, la réforme à nos
maux, une réforme cherchée dans le pouvoir exécutif est ou insuffisante ou dangereuse. Nous sommes
donc conduits à la chercher dans une modification du pouvoir législatif » (ibid. p. 3096).

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