Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 92

La Constitution révolutionnaire : la République intégrale

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le Sénat, il convient de noter qu'il s'agit déjà d'un amendement de compromis (il
marque l'acceptation de la seconde chambre) et qu'il est adopté grâce au renfort
des ultras légitimistes qui avaient pour but de faire échouer le processus d'écriture.
Si, lors de la première lecture de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875, Louis
Blanc et Madier de Montjau viennent encore vivement contester les pouvoirs
conférés au président de la République, ils sont alors très isolés dans une Assemblée pressée de finir son œuvre constituante et ne proposent de surcroît rien pour
conformer le texte en discussion à leurs vues117.
85.  Au total, mises à part les interventions de quelques « irréductibles », il
est possible de conclure que les républicains dits radicaux de l'Assemblée nationale de 1871 adoptent une attitude d'opposition tactique et modérée au processus
constituant, en particulier durant la « phase active » de l'écriture, malgré leurs
nombreuses réserves vis-à-vis de la légitimité de l'Assemblée et des dispositifs
institutionnels et puis constitutionnels qu'elle adopte. Leurs propositions sont
peu nombreuses et concernent surtout l'élection d'une nouvelle assemblée qui
leur serait plus favorable. Dès 1871, Gambetta indique clairement la ligne de
conduite des radicaux, qui ne peut être la même que sous l'Empire : « l'opposition, sous le gouvernement républicain, change de caractère et modifie sa nature
et ses plans de conduite ; elle doit presser et contrôler, et non détruire. [...] nous
avons, aujourd'hui qu'il s'agit de développer l'application de nos principes, le
devoir d'être aussi froids, aussi patients, aussi mesurés, aussi habiles, que nous
avons été enthousiastes, véhéments, alors qu'il s'agissait de repousser dans le
néant les contrefaçons du Bas-Empire »118. In fine, tant que le régime demeure
117. Lors de la séance du 21 juin 1875, Louis Blanc explique que « [l]a nation, messieurs, dans
une république, étant le souverain, la loi étant l'expression de sa volonté, les législateurs étant ses
mandataires, toute atteinte portée au pouvoir législatif est une atteinte portée à la souveraineté même
de la nation », sinon « autant vaudrait dire qu'il est dans la nature des choses que, dans le corps
humain, le bras domine la tête » (JO du 22 juin 1875, p. 4505). Le Président serait alors « un roi sans
l'hérédité  (Nouvelles interruption à droite), différence qui n'est pas, pratiquement parlant, bien
notable, dans un pays où il n'y a pas eu, depuis un siècle, un empereur, pas un roi, qui ait laissé le trône
à son fils » (ibid. p.  4506). S'il convient selon lui que les républicains dussent se montrer « un
parti  pratique » pour rallier le plus de partisans possibles, il ne faut pas que la République puisse
« compromettre son principe » ce faisant (ibid. p. 4507). Le Président de séance signale que le tour de
parole devrait revenir à un partisan du projet en discussion mais comme aucun ne s'est inscrit (!), il
donne la parole à Madier de Montjau qui développe également son hostilité aux pouvoirs conférés au
Président et vient affirmer ne pas vouloir « finir de constituer cette République qui serait bien, en effet,
la meilleure des monarchies » (ibid. p.  4508). Marcou intervient avec des arguments semblables le
7 juillet 1875 lors de la seconde lecture du texte (JO du 8 juillet 1875, p. 5071-5074).
118. Réunion des délégués républicains de Gironde, Bordeaux, 26  juin 1871  (GAMBETTA,
Discours..., op. cit., II. p. 19). Il insiste de nouveau sur ce point plus loin dans son intervention : « Je
voudrais [...] que notre opposition fût une opposition de gouvernement ; je ne voudrais n'y apporter
d'autre préoccupation que celle de faire le bien ou de forcer les autres à le faire ; car je connais une
passion plus vive que celle d'exercer le pouvoir : c'est de surveiller avec équité, avec fermeté, avec bon
sens, un pouvoir loyal, et, sous la simple pression des idées et de l'esprit public, de voir accomplir par
d'autres mains que les siennes les réformes les plus éclatantes » (ibid. p. 31). Dans le même sens, il est
possible de citer la transcription d'une conférence donnée à plusieurs reprises par Barni, qui se fait
élire à l'Assemblée en juin 1872, en juillet et août 1871 : « c'est aux conservateurs intelligents à donner
ici l'exemple en se ralliant franchement, sans arrière-pensée, à la République, et en faisant qu'elle
devienne réellement ce qu'elle doit être, l'œuvre de tous au lieu de celle d'un parti. De leur côté, -  si
cette condition est remplie, mais il faut qu'elle le soit,  - les républicains doivent transformer leur rôle
d'hommes de parti. [...] Mais si les républicains ont bien le droit de revendiquer leur place dans la
République, ils doivent se dépouiller de cet esprit d'intolérance et d'exclusion, propre aux sectaires,
qui était peut-être naturel dans la lutte, mais qui est contraire à tout véritable esprit de gouvernement »

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