Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875 - 97

80

L'ÉCRITURE DES LOIS CONSTITUTIONNELLES DE 1875

appel au peuple pour résoudre la difficulté18. Loin de mobiliser des souvenirs de
l'Empire, le député s'attache au contraire à tenter de convaincre les monarchistes
de la compatibilité de la procédure de l'appel au peuple avec leurs vues. Il leur
explique que « cette doctrine de l'appel au peuple a été la vôtre, qu'elle a été celle
de vos plus grands orateurs, celle de nos plus grands publicistes, et, quand j'aurais
nommé MM. de -Chateaubriand, de La Rochefoucauld, de Genoude, Lourdoueix,
Berryer... » et, qu'ainsi, les députés monarchistes peuvent accepter cette solution
« sans mentir à [leurs] doctrines »19. Citant Lourdoueix, de La Rochefoucauld et
Chateaubriand « qui reconnaissaient que la monarchie n'était possible en France
qu'avec une délégation nouvelle. Et croyez-moi messieurs, c'est par cette seule
voie que la monarchie peut être rétablie », Prax-Paris considère que le seul
« parti » qui pourrait refuser l'appel au peuple est « celui qui place la République
au-dessus du suffrage universel »20, c'est-à-dire le camp des républicains radicaux21. Selon l'orateur, les gouvernements à venir, quelle que soit leur forme, « ne
vivront qu'autant de temps que l'opinion les soutiendra et qu'ils seront d'accord
avec la souveraineté nationale »22. L'exposé se veut donc conciliant.
90.  Le lendemain, c'est le très contesté Rouher qui vient prendre la parole
devant l'Assemblée pour défendre la proposition Eschasseriaux, l'ancien dignitaire impérial jugeant le Septennat en discussion comme précaire par essence23.
Fidèle à son approche autoritaire, il ne craint pas, comme certains républicains,
une dictature de Mac Mahon mais au contraire que ce dernier ne « gouverne pas
assez » en raison de la faiblesse intrinsèque de son pouvoir24. Il ajoute que le dispositif aura une influence négative sur les équilibres institutionnels de la future
constitution, au détriment du pouvoir exécutif car « plus ce pouvoir sera considéré comme long, plus on revendiquera devant lui les attributions des Assemblées
délibérantes, leur pouvoir, leur autorité, leur indépendance »25. De plus, les lois
constitutionnelles à venir ne pourront que proclamer la République puisque le
pouvoir exécutif « temporaire » et « électif » sera déjà constitué26. Il y aurait donc
une « impérieuse nécessité » à consulter directement la souveraineté nationale sur
une question de cette importance27. Selon lui, tous les gouvernements depuis la
18. Ibid. p. 7039. Il avait tenu des propos semblables devant la commission le 15 novembre : le
provisoire proposé « aggravera tout », le gouvernement de l'Ordre moral est « précaire » comme l'était
celui de Thiers, car ils prétendent tout deux « se baser sur une trêve des partis, qui ne peut se réaliser
en politique » et qu'ils ne réalisent pas, Thiers ayant penché pour la République, et le gouvernement
en place pour la monarchie (C 3136).
19. JO du 19 novembre 1873, p. 7039.
20. Ibid. Devant la commission, où les républicains étaient majoritaires d'une voix, il avait plutôt
insisté sur le fait que le parti républicain pouvait comprendre ce besoin d'appel au peuple « car son
principe est celui de la souveraineté nationale » (séance du 15 novembre 1873, 3136) !
21. Ce qui ne se vérifie pas puisque l'unique soutien des bonapartistes concernant la mesure
provient de quelques députés radicaux (Naquet et Turquet en particulier).
22. JO du 19 novembre 1873, p. 7040.
23. L'Assemblée utiliserait (mal) son pouvoir constituant (donc l'affaiblirait) : « malgré le
pouvoir septennal que vous voulez constituer aujourd'hui, vous, la majorité, vous voulez rester
constituants », « vous réservez le pouvoir constituant de manière expresse ou tacite, et si cette réserve
domine l'œuvre temporaire que vous édifiez, cette œuvre n'a plus qu'une valeur nominale et
apparente » (séance du 19 novembre 1873, JO du 20 novembre 1873, p. 7067).
24. Il explique que le projet qui devient le Septennat est « un acte », « une mesure » ou « un
mandat », mais pas une « institution politique » (ibid.).
25. Ibid. p. 7068.
26. Ibid.
27. Il explique que « le droit c'est la souveraineté nationale, c'est un dogme ; c'est ce dogme qui
s'est, en 1789, dégagé des enseignements de l'histoire et de la raison publique, et qui a pris possession

978-2-275-09298-0__DOCFILE__corpus.indd 80

16-Apr-21 11:34:56 AM
Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875

Table des matières de la publication Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 156 - L'écriture des lois constitutionnelles de 1875
