La justice en voie de déshumanisation La balance privée de son glaive S'il en fallait une confirmation, il suffirait de se pencher sur la balance de la justice qui orne les murs du nouveau tribunal. Ce n'est pas exactement une balance, plutôt une esquisse. Aérienne, elle semble danser sur le mur. Cette balance a été dessinée par Renzo Piano lui-même. La construction du tribunal était presque achevée lorsqu'on s'est soudain inquiété de la manière dont on allait exprimer la symbolique du lieu. Comment montrer la fonction de justice ? Quels symboles installer et où ? Sans doute inquiet à l'idée que l'on défigure son œuvre en y apposant quelque « verrue », l'architecte a croqué d'un seul coup de crayon une balance à son goût. Et tout le monde a applaudi. La suite est racontée dans le rapport sur la symbolique du palais de justice. « En ce qui concerne le symbole qui devrait être inscrit, une unanimité s'est vite faite autour de la balance. Une majorité s'est également dégagée pour ne pas y adjoindre un glaive qui paraît trop classique. La balance semble cohérente avec l'esprit général de l'architecture à laquelle Renzo Piano a voulu donner une impression de légèreté, voire de suspension. Elle s'accorde bien aussi avec le sens même du moment judiciaire qui est une suspension du temps ordinaire, de façon à rejouer un moment de vie pour y mettre définitivement un terme »25. C'est ainsi que la balance de la justice a perdu son glaive, sans que nul ne s'en aperçoive. Pourtant, cet élément jugé « trop classique » est indissociable de la balance. On peut ainsi lire sur 25. Ibid. 76