Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 157 - La construction constitutionnelle du politique en Afrique subsaharienne francophone - 244

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La construction constitutionneLLe du poLitique
en afrique subsaharienne francophone
français de 1958 ait manqué de rigueur et qu'en dépit de l'usage de ces différentes
expressions, il voulût parler d'une même société politique, d'une seule et unique
nationalité française pour toute la Communauté. La comparaison entre la Constitution
originelle de 1958, celle de la « République et de la Communauté » et la version
de la Constitution en vigueur, c'est-à-dire celle de la seule « République française »,
permet de corroborer cette idée. En effet, on constate qu'hormis le préambule, la
notion de « peuples des territoires d'outre-mer » ne figure plus dans la Constitution
de la République française. Une fois que la Communauté s'est disloquée avec l'accession
à l'indépendance politique des Républiques d'outre-mer, il ne subsistait que
la République française et sa constitution ne reconnaît qu'un seul peuple, le peuple
français. Cette tradition révolutionnaire de l'unicité de la nation française, affirmée
dans toutes ses constitutions, est confirmée, avec certes trente années d'écart, par le
Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 mai 199114
.
558. Ensuite, une analyse systémique de la Constitution de 1958 vient corroborer
l'existence de ces deux sociétés politiques au sein de la Communauté française.
L'article 3 dispose que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui
l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum...sont électeurs, dans les
conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux
sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ». Cet article 3 témoigne du fait
majeur opéré par la Révolution française de 1789 à savoir le transfert de la propriété
et de l'exercice du pouvoir politique du monarque à la nation ou peuple
français. En d'autres termes, ne participent à l'exercice du pouvoir politique que
les individus qui appartiennent au corps politique national, et plus précisément
ceux qui jouissent de leurs droits civiques et politiques appelés citoyens. Le bénéfice
de la nationalité française détermine, de façon sine qua non, celle de la citoyenneté
française. Seuls les membres de la nation française peuvent participer à
l'exercice du gouvernement représentatif (vote et éligibilité). Or, la Constitution
de 1958 n'accordait pas aux ressortissants des Républiques d'outre-mer membres
de la Communauté de droits politiques concernant la représentation nationale
française. Si l'on prend par exemple, l'institution phare de la représentation nationale
française, en l'occurrence le Parlement, les ressortissants des États membres
de la Communauté n'étaient ni électeurs, ni élus à l'Assemblée nationale et au
Sénat. Seuls les ressortissants métropolitains et ceux des DOM et TOM étaient
éligibles et pouvaient voter à la désignation de la représentation nationale française.
Il n'y eut qu'une dérogation à ce principe et ce n'était qu'à titre transitoire.
En l'occurrence, l'article 91 avait prévu que « les Peuples des États membres de la
Communauté continuent à être représentés au Parlement jusqu'à l'entrée en vigueur
des mesures nécessaires à l'application du Titre XII ». Une fois les institutions de
la Communauté mises en place, les ressortissants des États membres de la
Communauté avaient leurs propres représentations nationales à l'égard desquelles
ils jouissaient de droits politiques.
559. De ce qui précède, force est de convenir que les ressortissants des
Républiques d'outre-mer, États membres de la Communauté, ne possédaient
14. Décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991 relative à la loi portant statut de la collectivité
territoriale de Corse : « La France est, ainsi que le proclame l'article 2 de la Constitution de 1958, une
République indivisible, laïque, démocratique et sociale qui assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens
quelle que soit leur origine ; que dès lors la mention faite par le législateur du « peuple corse, composante
du peuple français » est contraire à la Constitution, laquelle ne connaît que le peuple français, composé
de tous les citoyens français sans distinction d'origine, de race ou de religion ».

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