Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 157 - La construction constitutionnelle du politique en Afrique subsaharienne francophone - 369

LA NATION PLURICOMMUNAUTAIRE COMME SOCIÉTÉ POLITIQUE ALTERNATIVE
du 26 mars 199185
, et ivoirienne du 23 juillet 200086
.
355
. Seule la Constitution du
14 avril 1996 combine à la fois l'expression de « communautés composant la
nation » que le terme de « diversité ethnique »87
880. Quelle que soit l'expression choisie, force est de constater que le constituant
subsaharien francophone reconnaît explicitement la pluralité communautaire
constitutive du substrat humain de la nation. Même si la plupart des
constitutions ne citent pas nommém.uées dans le préambule, sont les peuples
diola, malinké, poulaar, sérère, soninké et wolof. Plus exactement, il conviendrait
de dire parmi les « composantes ethniques » puisque bien que les peuples précoloniaux
ci-dessus cités représentent l'écrasante majorité, la population sénégalaise
compte aussi des Bassari, des Bedik, des Manjak,
etc. Ces « composantes
ethniques » de la nation sénégalaise ne sont rien d'autre que les communautés
politiques précoloniales. Il convient toutefois de noter que les communautés politiques
précoloniales ainsi reconnues sont des sociétés politiques simples, avec
pour principal
critère identitaire la langue. Dans le passé précolonial, ces
« ethnies » sénégalaises ont parfois vécu ensemble dans de grandes formations
politiques, formant ainsi des sociétés politiques complexes. Par exemple, Hal
poulaar, Peul, Sérère et Wolof furent réunis sous la domination du Jolof.
882. À la lumière, du cas sénégalais, on peut donc estimer que l'absence de
nomination des peuples précoloniaux dans la majorité des constitutions tient,
comme souligné par ailleurs, sans doute au fait de leur chiffre pléthorique. Il n'en
reste pas moins que les communautés identitaires précoloniales, hier ignorées,
trouvent dorénavant pleine reconnaissance constitutionnelle en tant qu'entités
constitutives des nations subsahariennes francophones. De nations monocommunautaires
à l'origine, elles sont devenues nations pluricommunautaires.
883. En résumé, que ce soit par le truchement du plurilinguisme national ou de
façon explicite comme dans le cas sénégalais, les constitutions africaines reconnaissent
la pluralité des communautés qui composent concrètement leurs nations.
884. Cependant, cette simple reconnaissance intervient dans le cadre de la
constitution étatique s'est avérée insuffisante à résoudre les conflits identitaires qui
mettent en échec la construction de l'union ou de l'unité nationale. Dès lors, convientil
de repenser une nouvelle forme alliance constitutionnelle entre les peuples composant
la nation.
85. Article 1, alinéa 13 : « Les associations, partis ou formations politiques, syndicats, sociétés,
établissements d'intérêt social, ainsi que les communautés religieuses dont les activités sont contraires aux lois,
ou à la bonne entente des groupes ou ensembles ethniques peuvent être interdits selon les termes de la loi ».
86. « Le peuple de Côte d'Ivoire, conscient de sa liberté et de son identité nationale, (...), Conscient
de sa diversité ethnique, culturelle et religieuse, et désireux de bâtir une nation unie solidaire et prospère,
Convaincu que l'union dans le respect de cette diversité assure le progrès économique et le bien-être social »
87. Préambule : « Le Tchad, proclamé République le 28 novembre 1958, accède à la souveraineté
nationale et internationale le 11 août 1960. Depuis cette date, il connaît une évolution institutionnelle et
politique mouvementée (...) Les différents régimes qui se sont succédé ont créé et entretenu le
régionalisme, le tribalisme, le népotisme, les inégalités sociales, les violations des droits de l'homme et des
libertés fondamentales individuelles et collectives dont les conséquences ont été la guerre, la violence
politique, la haine, l'intolérance et la méfiance entre les différentes communautés qui composent la Nation
tchadienne (...) En conséquence, Nous Peuple tchadien (...) Affirmons par la présente Constitution
notre volonté de vivre ensemble dans le respect des diversités ethniques, religieuses, régionales et
culturelles ; de bâtir un État de droit et une Nation unie fondée sur les libertés publiques et les droits
fondamentaux de l'homme, la dignité de la personne humaine et le pluralisme politique, sur les valeurs
africaines de solidarité et de fraternité ; ».

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