Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 157 - La construction constitutionnelle du politique en Afrique subsaharienne francophone - 373

LA NATION PLURICOMMUNAUTAIRE COMME SOCIÉTÉ POLITIQUE ALTERNATIVE
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1. Le droit de décider librement de son propre statut politique comme droit
de décider de la forme de sa société politique
893. Sous l'ère de la modernité, le droit de décider librement de la forme de la
société politique est la première expression du droit des peuples à l'autodétermination
politique. Les premières manifestations juridiques de la modernité, à savoir les
Révolutions anglaise, américaine et française, en apportent la traduction. Même si
pour ces trois cas, il y a l'expression d'une décision libre sur la forme de la société
politique, une transformation statutaire de la communauté politique, on peut toutefois
distinguer le cas des Révolutions anglaise et française d'une part et d'autre
part le cas de la Révolution américaine. Dans le premier cas, les peuples anglais et
français, ou plus exactement les populations subordonnées à la puissance publique
des Monarchies anglaise et française, ont, par le fait révolutionnaire consacré par la
constitution moderne, décidé de passer d'une société politique de forme féodale à
une société politique de forme nationale. La transformation a consisté à l'émancipation
politique des anciens sujets des monarques Royaux, c'est-à-dire la réformation
de la société politique féodale composée d'individus assujettis et inégaux à une
société politique nationale constituée d'individus libres et égaux en droits. En
Angleterre et en France, c'est une population de « sujets » qui a décidé de dire sa
forme nouvelle de communauté politique, de se former en nation. Si ces Révolutions
sont qualifiées de Révolutions de la liberté, c'est parce qu'elles posent toutes
la règle selon laquelle tout peuple donné dispose du droit de décider librement de
son sort. L'autodétermination politique d'un peuple signifie dans ce sens que ce
dernier est propriétaire de lui-même. Cette autodétermination politique de la société
politique moderne s'oppose à la société politique monarchique qui est, en vérité, la
propriété du prince93
. Les sujets des monarchies pouvaient changer de prince par
voie d'héritage, d'achat, de donation, de mariage, etc.
894. Fille de la modernité, la Révolution américaine accouche également de
la nation comme forme de société politique. Mais dans ce cas-ci, il s'agit de la
réformation d'une population colonisée en une société politique nationale. La
Révolution américaine inaugurait ainsi un principe majeur, qui irrigue le droit
international depuis lors, à savoir que toute population colonisée a le droit de se
déterminer en tant que société politique libre ou indépendante. C'est sur cette
base que vont s'opérer d'abord la décolonisation des pays d'Amérique Latine au
xviiie
siècle et celles des pays d'Afrique et d'Asie au xxe
siècle.
895. La société internationale de l'après Seconde Guerre mondiale reconnaît
expressément le droit des peuples à l'autodétermination politique. Sous l'égide de
l'ONU, dominée désormais par les pays anticolonialistes (USA, URSS et les nouveaux
pays décolonisés), le droit des peuples à l'autodétermination politique va être
considéré comme exigeant que les populations soumises à la domination coloniale
européennes recouvrent l'indépendance. Au regard du droit onusien, les populations
colonisées visées par le droit à l'autodétermination politique sont les peuples dépendants
ou des territoires coloniaux, c'est-à-dire les « territoires non autonomes », au
sens de l'article 73 et les « territoires sous tutelle » au sens de l'article 77.
93. VOLNEY exprimait cette idée devant la Constituante du 18 mai 1790 : « jusqu'à ce jour,
l'Europe a présenté un spectacle affligeant ... on n'y comptait que des maisons de princes et des intérêts
de familles ... ; on apportait en dot des peuples comme de troupeaux ...Vous changerez, Messieurs, un
état de choses si déplorable, vous ne souffrirez plus que des millions d'hommes soient le jouet de quelquesuns,
qui ne sont que leurs semblables, et vous rendrez leur dignité et leurs droits aux nations ».

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