Droit civil - Droit des successions et des libéralités - 10e - 274

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DROIT DES SUCCESSIONS ET DES LIBÉRALITÉS
de reprendre ce qu'il a donné : une donation peut être effectuée à terme, mais doit
être définitive sans aucune faculté conventionnelle de repentir.
La méconnaissance de la règle entraîne la nullité intégrale de la donation (art. 944). Est donc
. Du vivant du donateur, la nullité est absolue ; après sa mort, seuls ses héritiers peuvent
écarté ici le système de la clause réputée non écrite prévu par l'article 900 pour les conditions
illicites2
l'invoquer : elle est alors susceptible de confirmation (art. 931-1, anc. art. 1340) ; comme pour
toutes les nullités, l'action en nullité est maintenant prescrite au bout de cinq ans (art. 2224, loi
2008).
343. Fondements et critiques. - Plusieurs fondements expliquent la règle. Elle conserve
d'abord les mêmes justifications que dans l'Ancien droit : lutter contre les donations afin d'assurer
la conservation des biens dans les familles, en obligeant le donateur à ressentir immédiatement
et effectivement ce dépouillement3
.S'y ajoutent d'autres considérations : protéger le donateur
contre lui-même, protéger le donataire qui autrement pourrait accepter des clauses
permettant au donateur de le tenir à sa merci, ce qui est la raison d'être de la prohibition de la
condition potestative. Depuis longtemps, la règle fait débat. Certains la tiennent pour
essentielle4
perdu toute justification5
pour apprécier sa pertinence6
.D'autres lui reprochent son anachronisme et soutiennent qu'elle a aujourd'hui
. Sans doute, faut-il distinguer la technique et la politique juridiques
. Techniquement, il est inexact que l'irrévocabilité spéciale soit
de l'essence de la donation. À preuve : les donations entre époux ou par contrat de mariage
ont toujours été soustraites à la règle et le demeurent (art. 947) sans que l'on puisse douter
qu'il s'agisse de véritables donations. Il n'est pas discutable non plus que l'irrévocabilité spéciale
fait en partie double emploi avec la prohibition des pactes sur succession future et, dans une
large mesure, avec l'interdiction des conditions purement potestatives dont il est difficile de la
distinguer. À ces différents égards, si la règle était supprimée, il n'y aurait pas grand-chose de
changé. Il est vrai aussi que la sanction qu'impose la loi est peu adéquate car, grâce à la nullité
de la donation, le donateur reprend les biens donnés et accomplit ainsi le but que la loi voulait
interdire : le système de la clause non écrite eût été plus efficace. Faut-il pour autant abandonner
la règle ? D'un point de vue politique, rien n'est moins sûr, car elle conserve une fonction très
importante qui est d'empêcher la stipulation de clauses de dédit dans les donations et cette fonction
ne manque pas de justifications7
réversibilité des donations8
. En tous cas, étant donné l'aspiration contemporaine à la
, une réflexion s'impose sur un possible glissement de la règle vers
une irrévocabilité qui ne serait plus forcément garantie en nature, mais éventuellement en valeur
seulement. Il est curieux que le législateur de 2006 ait occulté ce débat9
.
Seront examinés les actes contraires (Section I) et compatibles (Section II) avec
la règle « donner et retenir ne vaut ».
2. Supra, nº 286.
3. POTHIER, Des donations entre vifs, Sect. II, art. 2 : « L'esprit de notre droit français invite à ce que
les biens demeurent dans les familles et passent aux héritiers. Dans cette vue, comme on ne pouvait
dépouiller les particuliers du droit que chacun a naturellement du droit de disposer de ce qui est à lui
et, par conséquent, de donner entre vifs, nos lois ont jugé à propos, en conservant aux particuliers ce
droit, de mettre néanmoins un frein qui en rendît l'exercice plus difficile. C'est pour cela qu'elles ont
ordonné qu'aucun ne pût valablement donner qu'il ne se dessaisit, dès le temps de la donation, de la
chose donnée, et qu'il ne se privât pour toujours de la faculté d'en disposer, afin que l'attache naturelle
qu'on aàce qu'on possède et l'éloignement qu'on a pour le dépouillement détournassent les
particuliers de donner ».
4. H. LÉCUYER,« L'irrévocabilité spéciale des donations », Mél. P. Catala, 2001, p. 405.
5. W.DROSS,« L'irrévocabilité spéciale des donations existe-t-elle ? », RTD civ. 2011.25.
6. Th. GÉNICON, « De l'irrévocabilité spéciale des donations à l'ordre public des transferts de propriété
à titre gratuit », Mél. G. Champenois, 2012, p. 303.
7. TERRÉ,LEQUETTE et GAUDEMET, nº 497.
8. C. SALINIÈRE, « La réversibilité des donations », RTD civ. 2004.21.
9. Cf. Cl. BRENNER, « La succession », in 1804-2004, le Code civil, éd. Panthéon-Assas, 2004, p. 427,
nº 27.

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