Droit civil - Introduction au droit - 9e - 258

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INTRODUCTION AUDROIT
Dans le même ordre d'idées, « le juge ne peut fonder sa décision uniquement
ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes », émanant par
exemple de collègues d'un salarié licencié, dont les droits de la défense se trouvent
entravés par cet anonymat189
.
3º) En droit administratif, où domine la liberté de la preuve, le Conseil d'État ne
consacre pas un principe général de loyauté dans l'administration de la preuve
mais, très modestement, une « obligation de loyauté »del'employeur public qui
diligente une procédure disciplinaire à l'encontre d'un de ses agents. Dans ce
cadre, toute ruse n'est pas déloyale et un « intérêt public majeur » justifie même
la mise à l'écart de cette obligation190
.
4º) La jurisprudence commerciale rejette de la même façon la preuve déloyale
(tel qu'un enregistrement téléphonique clandestin191
mystères192
ou le recours à des clients
). Pourtant, dans certaines matières, une répression administrative
s'exerce à l'initiative de l'administration de l'État ou des autorités administratives
indépendantes (notamment en droit de la concurrence, à l'initiative de la
DGCCRF ou de l'Autorité de la concurrence) : il serait justifié d'y transposer la
jurisprudence pénale, laquelle admet assez souplement la preuve déloyale
(v. ci-après)193
.
Des témoignages anonymes ne peuvent constituer une preuve unique ou
déterminante194
. En matière fiscale, le juge peut faire état d'une dénonciation anonyme
dès lors que celle-ci lui a été soumise dans un document signé par les
agents de l'Administration et qu'elle est corroborée par d'autres éléments
d'information195
.
Par ailleurs, le juge commercial puis le juge civil ont consacré « le principe
, érigeant en fin de non-recevoir un comportement procédural incoselon
lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui » (inspiré de l'estoppel
anglais)196
hérent ou contradictoire. Encore une fois, le Conseil d'État reste hostile à admettre
189. Cass. soc., 4 juill. 2018, nº 17-18241 (sous le visa de l'article 6, §§ 1 et 3, de la Conv. EDH).
Solution contraire en droit de la concurrence : CA Paris, 12 juin 2019, nº 18/20323 : D. 2019, 171,
obs. J.-D. B. (validant des procès-verbaux d'enquête anonymisés).
190. CE, 16 juill. 2014, nº 355201, Dr. adm. 2014, 73, note G. Eveillard : « tout employeur public
est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté ; il ne saurait, par suite, fonder une sanction
disciplinaire à l'encontre de l'un de ses agents sur des pièces ou documents qu'il a obtenus en
méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie ». Mais, en l'espèce, le
juge approuve une commune d'avoir confié à une agence de détectives privés le soin de réaliser des
investigations sur un agent qui exerçait une double activité : le procédé ne serait donc pas déloyal.
191. Cass. com., 25 févr. 2003, RTD civ. 2004, 92 (l'enregistrement clandestin est irrecevable « sous
sa forme sonore ou écrite ») ; Cass. ass. plén., 7 janv. 2011, nº 09-14316, D. 2011, p. 157, 562, 618 et
2893 (et les notes et obs.) : sous le triple visa de l'art. 9 CPC, de l'art. 6 § 1 Conv. EDH et du « principe
de loyauté dans l'administration de la preuve », l'arrêt déclare irrecevables devant l'Autorité de la
concurrence des enregistrements clandestins de conversations téléphoniques.
192. Cass. com., 10 nov. 2021, nº 20-14669 (preuve d'actes de concurrence déloyale commis par
des opticiens).
193. V. cependant, P.-Y. GAUTIER, « Contre le droit illimité à la preuve devant les autorités administratives
indépendantes », in Mélanges Cl. Lucas de Leyssac, LexisNexis, 2018, p. 181.
194. Cass. com., 11 mai 2022, nº 19-22242 : « au regard des exigences du procès équitable
[Conv. EDH, art. 6 §§ 1 et 3], le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante
sur des déclarations anonymes » (preuve de pratiques commerciales illicites).
195. Cass. com., 30 mai 2000, Bull. civ. IV, no
118. Pour une critique, Chr. ATIAS, « Admissibilité et
pertinence ou force des preuves », D. 2009, chr. 2056.
196. Cass. com., 20 sept. 2011. Cf. C.MARÉCHAL, article in D. 2012, chr. 167 (avec les autres réf.) ;
Cass. soc., 22 sept. 2015, Dr. soc. 2015, p. 945, n. J. Mouly ; Cass. 1re
nº 154 ; Cass. 2e civ., 22 juin 2017, nº 15-29202. Contra, auparavant, Cass ass. plén., 27 févr. 2009,
D. 2009, 1245, n. D. Houtcieff ; JCPG 2009, II, 10073, n. P. Callé : « la seule circonstance qu'une partie
se contredise au détriment d'autrui n'emporte pas nécessairement fin de non-recevoir ».
civ., 29 sept. 2014, Bull. civ. I,
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