Droit civil - Introduction au droit - 9e - 45

LE DROIT EST UN PHÉNOMÈNE SOCIAL ET NORMATIF
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licenciement pour faute grave de cette salariée29
. Ils ont ensuite dû se résoudre à admettre,
conformément à une jurisprudence européenne, la validité des « clauses de neutralité » insérées
dans le règlement intérieur d'une entreprise, à condition, cependant, qu'elles ciblent tous les
types de convictions (pas que religieuses) et qu'elles s'appliquent aux seuls salariés en contact
avec la clientèle30
. Une clause de neutralité identique peut être valablement insérée dans le
règlement intérieur d'un barreau afin d'interdire aux avocats de porter, avec la robe, tout signe
manifestant une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou
politique31
. Une régression dangereuse du principe de laïcité a été évitée : un précepte religieux
ne peut être opposé au même titre qu'une norme collective (aux institutions publiques, aux
autres citoyens, à un cocontractant, aux clients d'une entreprise, etc.).
Suivant cette même logique, la loi du 15 mars 2004 interdit, « en application du principe de
laïcité », « le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une
appartenance religieuse » dans les écoles, collèges et lycées publics (C. éduc., art. L. 141-5-1).
Cette disposition, qui ne vise en réalité qu'à condamner le port du voile32
mique (ayant pour origine une jurisprudence du Conseil d'État33
diction à tous les signes religieux non discrets - y compris le port d'une grande croix catholique,
d'une kippa, du turban sikh (qui n'est pourtant pas un signe religieux)34
et même dans les universités36
ou du foulard isla),
élargit le champ de l'inter-
par crainte de susciter
un rejet brutal d'une loi controversée.
La Cour européenne des droits de l'homme a reconnu aux États une « marge d'appréciation »
sur les questions religieuses qui a permis, par exemple, à la Turquie d'interdire le voile dans les
collèges ou lycées publics35
; a aussi été admise la présence
l'article 1er
de la Constitution n'est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne
gèrent pas un service public ».
29. Cass. ass. plén., 25 juin 2014, aff. de la crèche Baby Loup, nº 13-28369 : www.courdecassation.
fr, rapp. L. Truchot, avis J.-Cl. Marin. Adde le dossier « Communautarisme et fait religieux dans les
relations de travail », Dr. social 2015, p. 660 et s.
30. Cass. soc., 22 nov. 2017, nº 13-18955 : www.courdecassation.fr : l'employeur « peut prévoir
dans le règlement intérieur de l'entreprise une clause de neutralité interdisant le port visible de tout
signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et
indifférenciée n'est appliquée qu'aux salariés se trouvant en contact avec les clients ». Ces conditions
découlent de deux arrêts de la CJUE, qui avait été saisie de questions préjudicielles par les Cours de
cassation de France et de Belgique (CJUE, 14 mars 2017, aff. C-188/15 et C-157/15). En France, le
législateur venait lui-même d'autoriser l'inscription du « principe de neutralité » dans le règlement
intérieur (C. trav., art. L. 1321-2-1, réd. L. 8 août 2016).
31. Cass. 1re
civ., 2 mars 2022, nº 20-20185.
32. S. DÉMARE-LAFONT,« " À cause des anges " . Le voile dans la culture juridique du Proche-Orient »,
millénaire avant J.-C. Le port du voile obéissait alors à un critère de
Études M. Carlin, éd. La Mémoire du droit, 2008, p. 235. Le tournant de l'histoire du voile se situe en
Assyrie à la seconde moitié du IIe
moralité et de hiérarchie sociale : privilège pour les femmes mariées et honorables, son port par les
prostituées ou les servantes portait atteinte à l'ordre public. Adde Ph.MALAURIE, « Laïcité, voile islamique
et réforme législative », JCPG 2004.I.124.
33. CE, Avis, 27 nov. 1989, AJDA 1990, p. 39, note J.-P. C.
34. CE 5 déc. 2007, deux arrêts, Dr. adm. 2008, comm. 4 : « si les élèves des écoles, collèges et
lycées publics peuvent porter des signes religieux discrets, sont en revanche interdits, d'une part, les
signes ou tenues, tels notamment un voile ou un foulard islamique, une kippa ou une grande croix,
dont le port, par lui-même, manifeste ostensiblement une appartenance religieuse, d'autre part, ceux
dont le port ne manifeste ostensiblement une appartenance religieuse qu'en raison du comportement
de l'élève » (condamnant le port du sous-turban sikh ou keshi sikh, pourtant plus petit que le turban
sikh traditionnel, même sans acte de prosélytisme, ainsi que le port d'un bandana couvrant la chevelure).
35.
CEDH, 4 déc. 2008, Dogru c/France, Dr. adm. 2009, comm. 8, n. Ph. Raimbault.
36. CEDH, 29 juin 2004, Leyla Sahin c/Turquie, Dr. adm. 10/04, comm. 146 (validant l'interdiction
du voile dans les universités turques au nom du principe de laïcité, arrêt confirmé dans la même affaire
par : CEDH, gde ch., 10 nov. 2005, D. 2006, somm., p. 1719). L'interdiction frappe les étudiants
comme les enseignants (CEDH, 24 janv. 2006, Kurtulmus, ib., p. 1720). La Cour constitutionnelle
turque annula le 5 juin 2008, au nom du principe de laïcité, la loi qui avait levé cette interdiction
(c'était avant que la Turquie ne rompe avec le kémalisme et devienne une dictature pratiquant un
« islam modèle », sous la conduite de Recep Tayyip Erdoğan).
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