Systèmes - Les impôts sur le patrimoine de 1789 à nos jours - 54

Les impôts sur le patrimoine de 1789 à nos jours
de 1870 : la loi du 29 juin 1872 qui l'institue naît de l'échec des projets
d'impôt sur le revenu.
La loi de 1872 résulte en effet d'un compromis41
. Dès l'été 1871,
le besoin de financer l'indemnité de guerre prévue par le traité de
Francfort conduit certains députés radicaux comme Amédée Langlois,
exécuteur testamentaire de Proudhon, mais aussi libéraux
comme l'économiste Louis Wolowski, à proposer l'institution d'un
impôt général sur l'ensemble des revenus42
- idée déjà caressée
par Garnier-Pagès en 1848. Lors de leur examen par l'Assemblée
nationale fin décembre 1871, ces projets se heurtent à l'opposition
résolue du président de la République Thiers et du ministre des
Finances Pouyer-Quertier. L'opposition de Thiers ne s'explique pas
seulement par son refus de toute augmentation de l'impôt foncier :
dans son discours du 26 décembre à l'Assemblée, il dénonce principalement
la déclaration des revenus, qu'il juge attentatoire aux
libertés individuelles et au secret des affaires. On retrouve le refus
de l'« inquisition fiscale » liée aux impôts déclaratifs qui, en 1790
déjà, avait conduit à privilégier les impôts réels43
. Et lorsque la commission
du budget de l'Assemblée propose, sous la plume d'Auguste
Casimir-Périer, un ensemble de quatre taxes cédulaires portant sur
les revenus des valeurs mobilières, des créances, les salaires et les
bénéfices commerciaux, seule la première - la « cédule A » du projet
- obtient l'accord du gouvernement.
Afin de concilier radicaux et modérés, c'est donc un impôt réel,
non déclaratif, frappant les seuls revenus des valeurs mobilières qui
est adopté. La loi du 29 juin 1872 institue une taxe de 3% sur les
intérêts des obligations et les dividendes et autres produits des
parts et actions des sociétés, acquittée à la source par les sociétés
et établissements payeurs des revenus, auprès de l'administration
de l'Enregistrement. Le député Léonce de Lavergne, dans son rapport
sur la « cédule A », a su convaincre : « En imposant les valeurs
mobilières, actions et obligations, il nous a été possible d'échapper à
la déclaration. (...) La perception de l'impôt n'aura aucun caractère
41. Cf. H. Tanquerey, Traité théorique et pratique de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières,
1887, p. 9 et s. et N. Delalande, op. cit., p. 63-67.
42. Bien d'autres projets d'impôt sur le revenu fleurissent en 1871, comme ceux du jeune
Jules Siegfried, d'Eugène Flotard, d'Edouard Bamberger, de Pierre Rouveure ou encore
de Louis Passy. Cf. E. Seligman, The Income Tax, A Study of the History, Theory and Practice
of Income Taxation at Home and Abroad, 1914, p. 283 et s. et C. Silvant, « L'impôt, l'endettement
ou l'austérité ? Les économistes français et les finances publiques après la guerre
de 1870-1871 », L'économie politique 2014/1, nº 61, p. 39 à 52.
43. R. Schnerb, « La politique fiscale de Thiers », Deux siècles de fiscalité française, XIXe
cle, 1973, p. 172 et s. et p. 185 et s.
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