Systèmes - Les impôts sur le patrimoine de 1789 à nos jours - 55

1848-1900 : taxer l'épargne financière
personnel. Personne ne sera obligé de faire connaître l'état de sa
fortune ». Ce qui n'empêche pas Thiers de faire part de sa « vive
répugnance » face à ce qu'il juge être une « grave erreur économique
» lors de la séance du 26 juin44
.Il ne s'y est d'ailleurs résigné
que du fait de l'échec de son projet d'impôt sur les matières premières,
repoussé par l'Assemblée en janvier.
Le champ du nouvel impôt ne couvre en réalité pas l'intégralité
des revenus de valeurs mobilières. Si les intérêts des emprunts des
communes et départements sont imposables, ceux des rentes de
l'État ne le sont pas. Wolowski lui-même, dans son projet d'impôt
sur le revenu repoussé par la Chambre fin décembre 1871, proposait
d'ailleurs d'exempter les intérêts des rentes sur l'État lorsqu'elles
sont détenues par des personnes non-résidentes, afin d'attirer les
capitaux étrangers vers ce placement45
. Par ailleurs, les produits
des valeurs étrangères ne sont imposables que lorsque ces dernières
sont « abonnées », c'est-à-dire lorsque la société qui les émet
détient une implantation en France ou y fait coter ses titres. Enfin,
cet impôt se limite en tout état de cause aux valeurs mobilières et
laisse donc de côté certains capitaux mobiliers : les intérêts des
créances ne sont pas compris dans son champ46
.
Cette taxe est élargie ponctuellement à plusieurs reprises dans
les décennies qui suivent. D'une part, son champ est étendu à certains
revenus mobiliers particuliers assimilables aux intérêts d'obligations
et dividendes47
de remboursement d'obligations48
: sont ainsi inclus, en 1875, les lots et primes
puis, cinq ans plus tard, les produits
des sociétés et associations dont les bénéfices ne sont pas distribués
entre leurs membres, le revenu imposable étant dans ce cas
évalué par défaut à 5 % de l'actif de la société49
.D'autre part, son
taux est rehaussé d'un point et ainsi porté à 4% en 1890, sous le
44. Cf. H. Tanquerey, op. cit., p. 9 et s.
45. Discours de L. Wolkowski à l'Assemblée du 27 déc. 1871, publié in L. Wolowski, L'impôt
sur le revenu, Guillaumin, 1872.
46. Une loi du 28 juin 1872 prévoyait d'imposer les créances hypothécaires au taux de 2%,
mais l'Assemblée y renonce en l'abrogeant dès le 20 décembre de la même année. Il
faut attendre 1917 pour qu'elles soient soumises à l'impôt (cf. chap. suivant).
47. Les tantièmes d'administrateurs et autres revenus distribués aux membres des conseils
d'administration des sociétés continueront toutefois d'échapper à la taxe jusqu'à une loi
du 13 juil. 1911 (art. 12).
48. Loi du 21 juin 1875, art. 5.
49. Loi du 28 déc. 1880, art. 3. Cf. aussi l'art. 9 de la loi du 29 déc. 1884, qui étend ces dispositions
aux congrégations religieuses. Ce droit est transformé en 1895 en une taxe
annuelle égale à 0,3 % de la valeur des biens détenus par ces entités (art. 3 à 10 de la
loi du 16 avr. 1895).
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