Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 105

Bertrand Maumont
99
B. L'émancipation de la théorie
On peut également être redevable à Bonnecase d'avoir identifié la « tutelle
gênante »63 du droit des obligations64
qui expliquerait que durant tout le xixe
siècle
la théorie de l'acte juridique et du fait juridique édifiée pour le droit privé ait souffert
dans son développement. Il note ainsi qu'« au fond, l'acte juridique a été trop
longtemps aperçu en France sous l'aspect unique du contrat et le fait juridique
sous celui des quasi- contrats, délit et quasi- délit »65
.
Il observe trois tendances doctrinales expliquant le rattachement trop étroit de
la théorie au droit des obligations. La première consiste à « voir dans le droit des
obligations le centre de tout le droit civil »66
. Il prend l'exemple de Planiol et sa
célèbre « obligation passive universelle » qui remet en cause la distinction des droits
réels et des droits personnels67
. La seconde tendance, représentée par Taulier et
. Figé dans le temps et dans l'espace, le droit des obliGlasson,
consiste en un ralliement à la « thèse de l'immuabilité et de l'uniformité
du droit des obligations »68
gations identifierait l'acte juridique au contrat et empêcherait de s'abstraire de la
division des sources d'obligations du Code civil. Enfin, il identifie une troisième
tendance, celle des auteurs qui se seraient ralliés à la « thèse de la variabilité du
droit des obligations »69
auteurs auraient œuvré à revêtir celui- ci d'un « caractère scolastique »70
. Postulant le caractère évolutif du droit des obligations, ces
en ajoutant
des distinctions inutiles qui ne feraient que décrire « un simple aspect de notions
beaucoup plus générales »71
entre le contrat, l'union et l'acte collectif73
.
La systématisation par Bonnecase de ces différents courants doctrinaux n'a
qu'un but : renforcer la thèse défendue selon laquelle la théorie de l'acte juridique
et du fait juridique domine tout le droit civil. Il n'y a pas lieu, selon lui, de centrer
63. J. Bonnecase, Suppl., t. II, op. cit., n° 290.
64. V. not., soulignant le rôle de Bonnecase : J. Hauser, thèse préc., n° 21 ; N. Poumarede, op. cit.,
note 42, p. 16.
65. J. Bonnecase, Suppl., t. II, op. cit., n° 268.
66. Ibid, n° 270.
67. V. M. Planiol, Traité élémentaire de droit civil, 2e
éd., t. 1, F. Pichon, Paris, 1901, n° 725 et s.
68. J. Bonnecase, Suppl., t. II, op. cit., n° 272.
69. Ibid, n° 273.
70. Ibid, n° 276.
71. Ibid.
72. V. R. Demogue, Traité de droit des obligations en général, Arthur Rousseau, Paris, 1923, t. 2.
73. L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, op. cit., § 33 et s.
. Il prend comme exemple des catégories proposées
) ou encore la distinction présentée par Duguit
par Demogue (avant- contrats, contrats nécessaires et contrats volontaires, actes
juridiques avec soi- même, etc.72
Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ?

Table des matières de la publication Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ?
