Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 117

Bertrand Maumont
III - LA SCIENCE
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Dans la pensée de Bonnecase, la science, entendue strictement, correspond à
l'étude des « sources réelles » du Droit, aux « véritables éléments générateurs des
règles de droit »162
. Or, cet aspect est étranger à une théorie générale élaborée à
partir du droit positif. Bonnecase insiste en conséquence sur la nécessité de ne pas
mêler les points de vue technique et scientifique, aussi bien en ce qui concerne la
place et le rôle de la loi dans la théorie de l'acte juridique et du fait juridique (A)
qu'en ce qui concerne le rôle de la volonté dans la théorie de l'acte juridique (B).
A. La loi comme fondement
Examinant les développements de Demogue à propos du fondement de la force
obligatoire des actes juridiques, Bonnecase observe que le professeur lillois a livré
une « étude purement scientifique »163
qui n'aurait pas sa place, selon lui, dans un
traité de droit des obligations. À la question de savoir « pourquoi l'acte juridique,
une fois passé, la volonté ne peut se reprendre », Demogue répond que les actes
juridiques « obligent comme répondant à une volonté individuelle qu'on présume
d'accord avec l'intérêt social (...) et ils sont irrévocables parce qu'autrement la
sécurité serait atteinte »164
. Pour Bonnecase, la réponse est tout autre et elle est
fort simple : si l'acte juridique s'impose, s'il reçoit une sanction, c'est parce que
« la force de l'acte juridique vient de la loi »165
.
La sécheresse du raisonnement peut surprendre étant donné que le « rationalisme
scientifique »166
du professeur bordelais le conduit à penser le Droit à travers
la pluralité de ses sources. Selon lui, et conformément à une conception inspirée de
Gény, la règle de droit dérive de « la notion de droit perçue elle- même par la raison
et jouant à travers les données expérimentales du milieu social, les aspirations des
consciences individuelles et les données permanentes de la nature expérimentale de
l'homme »167
. Par conséquent, les règles mises en mouvement par l'acte juridique
et le fait juridique procèdent elles- mêmes de ces sources expérimentales et rationnelles
du droit. Elles pourraient donc conduire Bonnecase, comme Demogue, à
rattacher à la théorie générale la question des fondements du droit.
162. J. Bonnecase, Introduction à l'étude du droit, op. cit., n° 199.
163. J. Bonnecase, Suppl., t. II, op. cit., n° 319, p. 368.
164. R. Demogue, op. cit., t. I, n° 14-15.
165. J. Bonnecase, Suppl., t. II, op. cit., n° 324.
166. J. Bonnecase, Introduction à l'étude du droit, op. cit., n° 412.
167. J. Bonnecase, Introduction à l'étude du droit, op. cit., n° 212.

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