Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 131

Julien Valiergue
125
19. Cette présentation sommaire de la pensée de Jean Hauser ne rend qu'un
faible hommage à sa richesse et ne peut remplacer sa lecture directe. De cette
richesse reste aujourd'hui l'idée que l'acte juridique, et particulièrement le contrat,
est une combinaison d'éléments objectifs et subjectifs. Résumant l'apport des
travaux d'Hébraud et d'Hauser, Jacques Ghestin écrivait ainsi « ces études ont le
mérite essentiel d'écarter la prédominance excessive que donne l'analyse traditionnelle
au rôle de la volonté, tout en refusant de faire de cette dernière une simple
fonction dans la complète dépendance du droit positif. Elles permettent, après
le rejet de ces deux a priori dogmatiques, une description plus réelle des relations
contractuelles »50
. Cette idée fait désormais partie de la vulgate contractualiste51
,
de telle sorte qu'Hauser et Hébraud peuvent être considérés comme ayant mis
fin au débat sclérosant entre objectivisme et subjectivisme52
.
. Ainsi, l'importance
de la réglementation impérative des actes juridiques ne devrait plus être un motif
de refus de la qualification contractuelle53
50. J. Ghestin, Traité de droit civil - La formation du contrat, 3e
analyse des travaux d'Hébraud et d'Hauser a néanmoins disparu de la 4e
éd., LGDJ, 2013.
éd., LGDJ, 1993, n° 221. Cette
édition du traité. V. J. Ghestin,
G. Loiseau et Y.-M. Serinet, Traité de droit civil - La formation du contrat. Tome 1 : Le contrat - Le
consentement, 4e
51. V. par exemple S. Lequette, « La notion de contrat - Réflexions à la lumière de la réforme du droit
commun des contrats », RTD civ. 2018, p. 541, n° 2 ; D. Galbois- Lehalle, op. cit., n° 433.
52. Cela dit, le débat pourrait rejaillir aujourd'hui à propos des contrats que M. Libchaber qualifie de
sui juris. R. Libchaber, Le contrat au xxie siècle. L'ingénierie juridique et les nouveaux contrats d'affaires,
op. cit., spé. n° 67. Par le jeu de clauses réglementant tous les aspects de la relation contractuelle, ces
contrats exploitent la liberté contractuelle jusqu'à évincer l'application de toute règle supplétive. Cela
conduit M. Libchaber à poser la question suivante : « des contrats peuvent- ils s'épanouir quand ils ne
sont pas véritablement soutenus, pris en charge, nourris par la réglementation censée les concerner ? ».
R. Libchaber, Le contrat au xxie
siècle. L'ingénierie juridique et les nouveaux contrats d'affaires, op. cit., n° 81.
Autrement dit, comment appréhender la nature et la validité de cette forme de super- subjectivation de
l'acte juridique ?
53. L'idée pourrait encore aujourd'hui être mise à profit dans certaines branches du droit, par exemple
pour établir la nature contractuelle des relations entre une société et ses dirigeants. Sur cette question et
les discussions qu'elle suscite à raison de la réglementation impérative des mandats sociaux, v. notamment
F. Deboissy, « Le contrat de société », in Le contrat, Travaux de l'Association Henri Capitant, Journées
brésiliennes, t. LV, Société de législation comparée, 2005, p. 119, n° 42 et s. ; J.-F. Hamelin, Le contratalliance,
préf. N. Molfessis, Economica, 2012, n° 642 et s. ; J. Delvallée, La collégialité en droit des sociétés,
préf. P. Le Cannu, Dalloz, 2019, n° 158 et s. Le problème se pose de manière comparable s'agissant de
la relation médicale, v. L. Bloch, « Objectivisme et subjectivisme dans l'acte médical : de l'acte juridique
au fait juridique », in Mélanges en l'honneur du Professeur Jean Hauser, Dalloz, 2012, p. 737 ; B. MoronPuech,
op. cit., n° 83 et s.
Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ?

Table des matières de la publication Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ?
