Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 150

144
Le droit objectif chez Duguit
objectif de manière autonome et non uniquement en se contentant d'affirmer que
ce serait l'inverse des droits subjectifs.
Une première piste serait de dire que le droit objectif est le droit non plus du
sujet, mais de l'objet, c'est- à-dire de ce sur quoi agit le sujet. En ce sens, le droit des
biens pourrait être un « droit objectif » dans la mesure où il désigne les prérogatives
du sujet (de la personne juridique) sur les objets (les biens). Ce n'est évidemment
pas à cela que l'on songe en parlant de droit objectif. Une deuxième piste est tracée
par certains auteurs qui justifient le terme « objectif » par le fait qu'on cherche à
définir le droit par son objet, qui serait « l'élaboration de règles, leur connaissance,
leur systématisation, leur hiérarchisation16
. » L'expression de droit objectif demeure
ambiguë. Si le droit objectif est qualifié ainsi à cause de son objet, qui serait la règle
de droit, on désignerait alors le droit qui porte sur les règles de droit, un droit de
la norme, c'est- à-dire, par exemple, le droit transitoire ou le droit international
privé. Ce n'est pourtant pas exclusivement ce que veulent signifier les auteurs.
D'une manière différente, c'est une troisième piste, il est écrit qu'on « distingue
traditionnellement le droit conçu comme un mode d'organisation de la vie en
société (du mariage, du travail, de la filiation, etc.), et les droits, entendus comme
les prérogatives individuelles qui en résultent. Le premier, défini par son objet,
l'organisation de la vie sociale, est qualifié de droit objectif. Les seconds, envisagés
par rapport à leur sujet, sont appelés droits subjectifs17
. » Dans cette variante, les
auteurs veulent dire qu'ils vont parler des objectifs que poursuit le droit. Plutôt
que de parler de droit objectif, il faudrait donc parler des objectifs du droit18
.
Un faux couple. - Force est de constater que les termes objectif et subjectif
ne sont ainsi pas employés de la même manière. En parlant de droit objectif et
de droit subjectif, on pourrait penser que les deux éléments sont inclus dans un
ensemble plus grand, appelé le Droit19
, tout comme en distinguant les meubles
et les immeubles on se situe dans une catégorie générale, celle des biens. Le droit
objectif se distinguerait, voire s'opposerait, aux droits subjectifs, un peu à la
manière dont les civilistes distinguent les meubles et les immeubles. Pourtant, tel
n'est pas le cas. On a plutôt l'impression que la distinction permet de présenter
des éléments différents, qui ne se situent pas sur un même plan et non d'opposer
16. C. Larroumet et A. Aynès, Introduction à l'étude du droit, 6e
17. J. Ghestin, H. Barbier, J.-S. Bergé, Introduction générale, 5e
éd., Economica, 2013, n° 12, p. 6.
éd., LGDJ, coll. Traité de droit civil,
t. 1, 2018, n° 3, p. 11.
18. Ainsi le font certains auteurs : F. Terré, N. Molfessis, op. cit., dont une section s'intitule « le droit
envisagé par son objectif : organiser la vie en société » (n° 90 et s., p. 107 et s.).
19. Pour certains, droit objectif et droit subjectif sont deux aspects de la même réalité juridique, à
savoir le droit positif. Cf. G. Marty et P. Raynaud, Introduction générale à l'étude du droit, 2e
1972, n° 50, p. 85.
éd., Sirey,
Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ?

Table des matières de la publication Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ?
