Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 154

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Le droit objectif chez Duguit
comme une personne et une personne souveraine, accepterait de fixer des bornes
à sa souveraineté. Théorie de l'auto- limitation en somme.
La seconde limitation se situerait en dehors de la sphère étatique et résiderait
dans les droits subjectifs, dans les droits que toute personne humaine détiendrait
et sur lesquels il serait impossible de revenir ou d'empiéter. Les droits subjectifs
visés par Duguit sont en particulier ceux portés par la seconde école du droit
naturel, école qui attribue naturellement à l'homme des prérogatives inaliénables
parce qu'il est homme et qu'en tant que tel il a des droits.
La méthode suivie. - La critique portée contre ces deux théories repose notamment
sur la volonté de souligner leur caractère artificiel, fictif. À propos de la
doctrine individualiste et des droits subjectifs, Duguit écrit, par exemple, que
cette doctrine « est contraire à la réalité des choses ; elle est impuissante à établir
l'indépendance primaire et naturelle de l'homme et l'existence de droits subjectifs
fondés sur l'autonomie de la personne humaine29
. » Le pli intellectuel de Duguit est
le suivant : faire simple, partir de l'observation des faits, des évidences. Comme il
l'écrit, « la philosophie la plus simple est encore la meilleure. Et d'ailleurs ici [s'agissant
de l'existence de la conscience individuelle], il ne s'agit pas de philosophie,
mais de la simple affirmation d'un fait30
». Plus largement, il décrit sa méthode de
la sorte : « constater les faits, n'affirmer comme vrai que ce que l'on constate par
l'observation directe et bannir du domaine juridique tous les concepts a priori,
objets de croyance métaphysique ou religieuse, qui prêtent à des développements
littéraires, mais qui n'ont rien de scientifique31
».
Aussi Duguit est- il contraint de revenir sur la définition de l'État et de la règle
de droit pour montrer comment les gouvernants, ceux qui ont le pouvoir, sont
également soumis au droit et ne peuvent tout se permettre.
La solidarité par similitude. - Qu'est- ce qu'une règle de droit32
? Pour
répondre à la question, Duguit part de l'expérience commune et plus particulièrement
de plusieurs éléments qui s'offrent à la constatation de chacun. L'individu
existe, c'est la seule réalité (le point de départ de Duguit est tiré de la philosophie
de Descartes : la seule certitude est que, en ayant conscience de moi- même,
29. L. Duguit, p. 121. Pour la doctrine qui présente l'État comme une personne souveraine, voir
notamment p. 241 : « Essayons donc de nous débarrasser une fois pour toutes de ces fantômes, de ces
abstractions, de prendre les choses comme elles sont et de voir ensuite quelles conséquences juridiques
on peut et on doit en tirer. Adaptons les théories juridiques aux faits et non point les faits aux théories
juridiques. »
30. L. Duguit, p. 27.
31. L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, t. 1 : La règle de droit - Le problème de l'État, Fontemoing,
Boccard, 3e
éd., 1927, préface de la 3e
éd., p. xv.
32. Pour Carbonnier, c'est à partir de Duguit que les juristes commencent à parler de règle de droit.
J. Carbonnier, préc., n° 4, p. 10 et n° 11, p. 25.

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