Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 155

Guillaume Drouot
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l'individu existe) ; il cherche à échapper à la souffrance33
; les groupements humains
ont toujours existé avec l'individu et le but du groupement est précisément de
diminuer la souffrance à laquelle tout un chacun entend se soustraire. Duguit
en arrive à dégager la notion de solidarité par similitude, en ces termes : « il nous
paraît que les hommes, comprenant qu'ils ont tous le même désir de vivre, la
même aspiration au moindre mal, conçoivent de ce chef une vaste solidarité qui
les unit tous. Les hommes, comprenant qu'ils ont plus particulièrement les mêmes
besoins qu'un certain groupe, se conçoivent plus particulièrement solidaires des
membres de ce groupe, et, comprenant que la vie dans ce groupe peut seule leur
assurer un moindre mal, ils veulent le maintien de cette solidarité. Il y a donc une
première forme de solidarité entre les hommes, qui naît de la communauté des
pensées, des besoins et des vouloirs. Les hommes se conçoivent solidaires les uns
des autres, parce qu'ils pensent la même chose, parce qu'ils ont les mêmes besoins,
parce qu'ils veulent par suite les mêmes choses et comprennent qu'ils ne peuvent
arriver au moindre mal que par la vie collective34
».
La solidarité par division du travail. - À cette première notion de solidarité,
appelée solidarité par similitude, Duguit va adjoindre une autre forme de solidarité,
aux fondements antagonistes. Les êtres humains sont inégaux, ont des désirs
divergents voire opposés, des besoins qui ne sont pas en tous points similaires.
En découlent des activités de plus en plus variées, pour répondre aux attentes
elles- mêmes plus variées à mesure que la civilisation progresse. « Accroissement
des besoins et des activités, et partout diversité des besoins et des activités. Tout
cela, ce n'est au fond que l'accroissement de l'individualité humaine. Chacun est
plus homme parce qu'il est plus lui- même et se sent plus différent des autres35
. »
Le point important est alors que chaque individu, par ses compétences, va pouvoir
apporter à autrui ce dont il a besoin. À la solidarité par similitude (idée d'une
destinée commune, échapper à la souffrance) s'ajoute une autre solidarité appelée
solidarité par division du travail. Duguit l'annonce de la sorte : cette solidarité
s'est traduit dans la conscience et la volonté des hommes « par cette pensée qu'en
échangeant les services dus à leurs aptitudes propres les hommes pourront diminuer
la somme de leurs souffrances, qu'en développant leur activité individuelle, ils
pourront échanger plus de services, par suite diminuer encore la douleur humaine,
et par la volonté de développer cette activité et d'échanger ces services, en un mot
par la conscience d'une nouvelle solidarité que nous appelons avec M. Durkheim
la solidarité par division du travail36
. »
33. Duguit précise qu'il s'agit bien d'échapper à la souffrance et non de rechercher le bonheur, p. 49.
34. L. Duguit, p. 39-40.
35. L. Duguit, p. 45.
36. L. Duguit, p. 47.

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