Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 162

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Le droit objectif chez Duguit
qu'une quantité non négligeable d'auteurs en parle, la pensée de Duguit n'est pas
sollicitée. Voire, elle peut être source de confusion. En effet, la désobéissance civile
est parfois abordée comme un enjeu concret de la distinction entre le positivisme
et l'idéalisme ou le droit naturel. Duguit étant classé parmi les positivistes, on
pourrait penser qu'il nie ou ignore la désobéissance civile65
.
Certains ouvrages laissent toutefois penser que la théorie de Duguit, sa vision
du droit, a été reçue en héritage, sous bénéfice d'inventaire66
. Ainsi en est- il de
l'ouvrage de Messieurs Aubert (1939-2008) et Savaux. Ces derniers, après avoir
présenté différentes doctrines propres à justifier le caractère coercitif de la règle
de droit envisagent de conclure en se positionnant par rapport à ces différentes
doctrines. Les auteurs rejoignent Duguit, par exemple, dans l'exclusion d'une
conscience collective67
.
Dans une autre introduction au droit, Messieurs Larroumet (1939-2021) et
Aynès expriment leur point de vue sur le fondement de la règle de droit. Alors que
Duguit n'est pas mentionné, le propos conclusif semble pourtant correspondre
parfaitement à ce que le Bordelais voulait exprimer : « s'il est vrai que le droit est le
produit du corps social, il n'a une véritable valeur obligatoire que s'il correspond
aux aspirations de la collectivité. Il est difficile de rejeter totalement l'idéalisme
juridique. Cependant cet idéalisme, bien loin d'être le reflet d'une raison ou d'une
conscience universelle qui n'existe pas, n'est en réalité constitué que par les diverses
aspirations d'un groupement déterminé, à un moment donné de son histoire ou
de son évolution. Il n'y a pas de système véritablement universel de référence, mais
il y a des aspirations et des tendances sociales contingentes. La règle de droit n'est
légitime que si elle correspond à ces tendances68
». On peut se demander également
ce que doit, ou pourrait devoir, à Duguit l'affirmation selon laquelle « nul, fût- il
positiviste, ne niera que le droit positif évolue et que cette évolution doit se faire
dans le sens du progrès et de son utilité pour la collectivité. Sans être une référence
65. Pour une telle présentation, voir par exemple R. Cabrillac, op. cit., A. Marais, op. cit., n° 34 et s.,
p. 49 et s. Optant pour une présentation similaire mais avec plus de précautions, Ph. Malinvaud, op. cit.,
n° 34 et 35, p. 32.
66. En dehors des introductions au droit, c'est à une telle acceptation qu'invitait Réglade : « La doctrine
de Duguit ne saurait être acceptée en bloc, ni surtout rejetée en bloc » (« Théorie générale du droit dans
l'œuvre de Léon Duguit », APD 1932, p. 2).
67. J.-L. Aubert, E. Savaux, Introduction au droit, 18e
68. C. Larroumet et A. Aynès, Introduction à l'étude du droit, 6e
éd., Dalloz, coll. Sirey, 2021, n° 37, p. 34.
éd., Economica, 2013, n° 67, p. 35.
Comp. F. Terré, N. Molfessis, op. cit., n° 88, p. 105 : « Cette création du droit, idéal ou naturel, appelé
à se transformer en droit positif, se réfère de manière primordiale au juste, ce qui appelle un consensus
naturel. Mais cette référence se relie à une insertion dans le social, sagesse aidant. Or, le social génère
le conflit, lequel est aussi partie intégrante du juridique. Et voici qu'à nouveau, ordre et désordre se
répondent et s'alimentent. Ainsi envisagé, le droit est tour à tour consensus et conflit. Ainsi le veut son
ambivalence. L'oublier, c'est s'interdire toute définition satisfaisante. »
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