Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 18

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L'histoire au présent
moins à un exercice d'« ancrage de la mémoire disciplinaire »56
qu'à une tentative
de réévaluation de cette dernière que les auteurs de ce volume étaient invités
à s'essayer. D'histoire, il n'est point question, en ce que les articles ici réunis
n'entendent pas se livrer à une reconstruction critique et contextualisée de la
pensée des auteurs du passé. De mémoire, au sens de « récit d'une collectivité sans
distance critique »57
, il n'est pas davantage question, les auteurs ayant été invités à
effectuer une acceptation ou un rejet sous bénéfice d'inventaire du legs intellectuel
de quelques figures doctrinales bordelaises.
En cherchant ainsi à déterminer, au fond, ce qui demeure aujourd'hui d'une
. Comme toute célébration, celle- ci opère une sélection
pensée, le présent ouvrage s'inscrit dans une « histoire des usages du passé dans
les présents successifs »58
dans ce qu'elle entend conserver du passé dans la mémoire collective. Les coordinateurs
du volume ont en l'occurrence pensé ce legs par grandes disciplines et
sélectionné les auteurs en fonction de leur importance présumée : Jacques Ellul
pour le droit romain et l'histoire du droit (Patrick Troude- Chastenet), Julien
Bonnecase (Bertrand Maumont) et Jean Hauser (Julien Valiergue) pour le droit
civil, Henri Vizioz pour la procédure civile (Aurélie Bergeaud Wetterwald et
Évelyne Bonis), Jean Derruppé pour le droit commercial (Bernard Saintourens
et Benoît Joyeux) et Léon Duguit pour le droit constitutionnel et administratif
(Guillaume Drouot). Si certains auteurs sélectionnés étaient attendus (Bonnecase,
Ellul et Duguit, par exemple), il faut saluer les choix effectués, qui se concentrent
sur des figures n'ayant, pour l'heure, que peu attiré l'attention de l'historiographie.
L'histoire de la pensée juridique ajoute ici de nombreuses pierres à son édifice,
dans des domaines quelque peu délaissés, comme les droits processuel, pénal ou
encore commercial pour l'époque la plus contemporaine, ou encore au regard
d'auteurs peu étudiés.
Bien entendu, il sera aisé pour chacun de s'émouvoir des inévitables angles
morts d'une telle sélection. Quid, objectera- t-on, de Jean Brèthe de la Gressaye, de
Fernand Faure, de Gabriel Baudry- Lacantinerie, d'Henri Barckhausen, de Joseph
Benzacar, d'Henri Monnier, de Gustave Cheneaux ou encore du très controversé
Roger Bonnard, doyen de la faculté de droit sous l'Occupation ? Si tous ont marqué
la science juridique de leur empreinte, ils ne sont pas tous réactualisables par la
doctrine contemporaine. Que faire, en effet, de l'économie politique promue
de manière si ardente par Fernand Faure ou encore des doctrines corporatistes
56. R. Plas et N. Richard, « Les commémorations entre anthropologie des savoirs et histoire au second
degré », Revue d'histoire des sciences humaines, n° 36 [Commémorer les sciences de l'Homme], 2020, p. 12.
57. Ph. Joutard, « Mémoire collective », in C. Delacroix, F. Dosse, P. Garcia et N. Offenstadt (dir.),
Historiographies, t. 2, Concepts et débats, Gallimard, coll. Folio Histoire, Paris, 2010, p. 780.
58. C. Delacroix, F. Dosse et P. Garcia, Les courants historiques en France..., op. cit., p. 551.

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