Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 33

Benoît Joyeux et Bernard Saintourens
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doctrinale se révèle encore aujourd'hui, au fil de la jurisprudence. Ainsi, comme
cela ne manque pas d'être relevé par la doctrine actuelle, il s'agit toujours de
tirer toutes les conséquences de la distinction de la qualité d'associé et du régime
patrimonial des droits sociaux lorsqu'il est jugé que le conjoint de l'associé décédé
n'a pas qualité pour percevoir les dividendes attachés aux droits sociaux, faute
d'avoir lui- même la qualité d'associé32
ou que la revendication de cette qualité par
le conjoint de l'époux associé d'une société en nom collectif, en application de
l'article 1832-2 du Code civil, est soumise à l'agrément unanime des co- associés33
.
Toujours soucieux de la portée et de l'utilité pratique de ses réflexions, Jean
Derruppé s'est également fait l'ardent défenseur de la licéité des conventions entre
époux sur le transfert de la qualité d'associé. Sur ce sujet, dans une étude publiée
dans le Répertoire du Notariat Defrénois de l'année 1983, l'éminent auteur écrit
que la distinction du titre et de la finance, « expressément consacrée par le législateur,
conduit à considérer que ces droits sociaux entrent en communauté en tant
que tels, c'est- à-dire constituent des biens communs en nature ». Et il ajoute qu'il
« en résulte notamment, pendant le régime de communauté, que le changement
d'attribution de la qualité d'associé, soit par application de la procédure de notification
prévue par l'article 1832-2, alinéa 3, soit par un accord entre les époux
et les associés, n'est pas une mutation patrimoniale. Les droits sociaux étaient des
biens communs en nature, ils le demeurent. Donc, pas d'objection tirée d'une
vente entre époux et de l'interdiction formulée par l'article 1595 du Code civil34
pas de droits de mutation à envisager dans une telle hypothèse »35
et
. Ainsi, le changement
de la qualité d'associé entre époux communs en biens est une convention
originale dont l'utilité apparaît chaque fois qu'un époux commun en biens désire
se retirer d'une société sans céder ses parts sociales36
.
La consécration de la construction doctrinale de Jean Derruppé se retrouve
encore aujourd'hui en pratique, notamment, lorsque l'on se situe à la suite du
décès de l'un des époux communs en biens et que figurent des parts sociales dans
la communauté. Il y a lieu de dissocier la reconnaissance de la qualité d'associé,
qui était exclusivement attachée au conjoint défunt, et la valeur des droits sociaux
qui sera intégrée dans la masse commune à partager.
32. V. not. Cass. 2e civ., 2 sept. 2020, Lexbase Hebdo Affaires 2020, n° 648, note F. Julienne.
33. V. not. Cass. com., 18 nov. 2020, n° 18-21797, Lexbase Hebdo Affaires 2020, n° 659, note
F. Julienne ; Dr. sociétés 2021, comm. 3, note R. Mortier.
34. L'article 1595 du Code civil a été abrogé par la loi n° 85-1372 du 23 déc. 1985, art. 35 (V) JORF
juill. 1986.
26 déc. 1985 en vigueur le 1er
35. J. Derruppé, « Les droits sociaux acquis avec des biens communs selon la loi du 10 juillet 1982 »,
Rép. Not. Defrénois 1983, art. 33053, n° 10, p. 530.
36. V. not. B. Maubru, Le droit nouveau des sociétés à responsabilité limitée - Aspects juridiques et fiscaux,
éd. Cridon Bordeaux- Toulouse, mai 1984, p. 51.
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