Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 39

Patrick Troude- Chastenet
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petit Jacques se plongeait dans la lecture de La Bible pour retrouver l'histoire du
peuple hébreu qui l'enchantait. Le dimanche et pendant les vacances, il étudiait
des langues étrangères avec son père polyglotte, ou bien il peignait les uniformes
- lui le futur antimilitariste ! - de ses soldats de plomb, avec déjà le souci de la
précision historique. La famille résidait au 18 bis de la rue Émile- Zola, à proximité
du jardin public où, avec ses camarades de la « laïque », il se livrait à des batailles
homériques contre ceux de la « catho ». C'est ensuite au lycée Montaigne, où il
brillait particulièrement en latin, en français, en allemand et en histoire, qu'il
obtint son bac à l'âge de 17 ans. Passionné de mer, il voulait devenir officier de
marine mais son père l'obligea à faire son droit. C'est dans un cours d'économie,
durant l'année universitaire 1930-1931, qu'il entendit parler de Marx pour la
première fois. Son père étant alors privé d'emploi, il ressentait « comme une injustice
terrible qu'un homme de sa qualité se trouve dans cette situation. Par son
analyse du capitalisme et de ses crises, Marx me fournissait une explication au
drame vécu par mon père5
». Il lut par la suite l'intégralité de son œuvre. Voulant
changer la société, il prit contact avec des membres de la SFIO qui le déçurent
par leur carriérisme, puis avec des militants communistes plus préoccupés de la
ligne du Parti que d'herméneutique marxiste. Finalement, c'est le mouvement
personnaliste qui lui permit de passer à l'action. Outre la découverte décisive
des œuvres de Karl Marx, Søren Kierkegaard et Karl Barth6
, il subit également
l'influence d'un ancien camarade de lycée, Bernard Charbonneau. Ce prototype
de l'élève rebelle aussi brillant qu'indiscipliné, permit à ce citadin de s'initier aux
charmes des étangs girondins, de la forêt landaise et de la montagne pyrénéenne.
À la suite de leur rencontre avec Emmanuel Mounier, les deux amis affilièrent
leur petit groupe de discussion au mouvement Esprit au début de l'année 1934.
II - UNE JEUNESSE PERSONNALISTE
Les personnalistes gascons étaient avant tout soucieux de retrouver un contact
direct avec la nature et de donner à leur révolution une dimension aussi charnelle
que spirituelle. Voulant inscrire leur action dans les moindres faits et gestes de la
vie quotidienne, ils privilégiaient la mise en réseau de petits groupes locaux autogérés
pouvant déboucher à terme sur une organisation fédérale. À défaut de l'avoir
inventée, Charbonneau et Ellul mirent donc en pratique, dès les années 1930, la
maxime « penser globalement, agir localement ». Les premiers articles de Jacques
5. Ibid.
6. F. Rognon, Jacques Ellul. Une pensée en dialogue, Labor & Fides, Genève, 2007, 2013.

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