Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 55

Patrick Troude- Chastenet
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des nazis44
». Ce n'est pas les terroristes ou leurs méthodes qui sont diaboliques en
soi, mais la politique qui les engendre. Le terrorisme dévoile ce qu'est devenue la
politique, ici et maintenant. Le terrorisme exprime la haine absolue du pouvoir
absolu. La puissance étatique tendant vers l'absolu, les moyens pour la combattre
ne peuvent donc pas rester relatifs. L'ennemi politique est considéré par les terroristes
comme l'incarnation religieuse du Mal. Le refus de toute discrimination au
sein des victimes potentielles est la conséquence de l'identité entre corps social
et corps politique. Tous coupables ! Responsabilité collective, de la classe, de la
race, de la religion ou de la nation ! « L'accusation morale ou théorique contre
tous indistinctement se traduit à la longue et nécessairement par la mise à mort
de n'importe qui, faute de pouvoir les tuer tous. » Tous les moyens sont bons s'ils
sont efficaces ! Le terrorisme ne fait donc qu'exprimer un peu plus brutalement
le credo collectif. « Si nous reculons d'horreur devant le terrorisme, il faut reculer
d'horreur devant toute notre politique. » Avec La Raison d'être. Méditation sur
l'Ecclésiaste (1987), qui ressemble à bien des égards à la conclusion générale de
toute son œuvre, Ellul parachève sa réflexion sur la place du politique dans la
société contemporaine45
. Après avoir consacré cinquante ans de sa vie à ausculter
un texte riche de sens, réduit trop souvent à deux ou trois formules, il choisit son
exégèse en guise de « bouquet final ». Or que dit Qohelet sur le pouvoir politique ?
Que la puissance est toujours absolue, le pouvoir est toujours le pouvoir quelle
que soit sa forme constitutionnelle, le pouvoir n'apporte rien de nouveau, et que
l'adage vox populi, vox dei n'est qu'un mensonge. Le pouvoir n'est que méchanceté,
injustice et oppression ! Plus on monte dans l'échelle des pouvoirs, plus les
hommes sont mauvais. Le chapitre V de l'Ecclésiaste préfigure la longue chaîne
de la tyrannie décrite par Étienne de La Boétie dans le Discours de la servitude
volontaire. Tout pouvoir de l'homme sur l'homme rend l'homme malheureux. « La
sottise a été placée aux plus hauts sommets. » Vanité, oppression, sottise ! « Tout le
pouvoir est ainsi qualifié - sans réserve et sans nuance46
! » Mais si Ellul a pleinement
intégré le pessimisme radical de l'Ecclésiaste quant au pouvoir humain, il n'en tire
aucune conclusion pour inviter ses lecteurs à se détourner de la voie politique. Il
s'agit seulement de la considérer dans sa relativité absolue et de souligner que la
conquête de la liberté ne passe pas par elle ! C'est d'ailleurs la thèse qu'il défend
dans Politique de Dieu, politiques de l'homme47
. L'Église n'est pas une affaire spirituelle
et la politique n'est pas dépourvue d'intérêt pour le chrétien comme pour
l'homme moderne. La politique est même le lieu de la plus grande affirmation
44. J. Ellul, Les combats de la liberté, Éthique de la liberté, t. 3, 1984, p. 166.
45. J. Ellul, La raison d'être, Méditation sur l'Ecclésiaste, Seuil, Paris, 1987.
46. Op. cit. p. 84. Les italiques sont d'Ellul.
47. J. Ellul, Politique de Dieu, politiques de l'homme, Éditions universitaires, Paris, 1966.

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