Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 56

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Jacques Ellul : du droit romain à l'écologie politique
du désir d'autonomie de l'homme. Le chrétien ne doit donc ni s'en désintéresser
ni en faire sa préoccupation principale.
XIII - LA SENTINELLE D'EZÉCHIEL
La situation du chrétien dans le monde actuel est forcément révolutionnaire.
Selon Ellul, la désespérance de l'homme moderne provient essentiellement du fait
qu'il n'est plus à même d'entendre la promesse du Salut et de la récapitulation, et
la vocation du chrétien consiste précisément à annoncer cette « bonne nouvelle ».
Le chrétien a donc, dans ce monde, un rôle irremplaçable. D'une part, il lui
est impossible de rendre ce monde moins pécheur, d'autre part il ne lui est pas
possible non plus de l'accepter tel qu'il est. Il doit vivre en permanence avec cette
tension ! Sel de la terre, lumière du monde, brebis au milieu des loups, le chrétien
est le signe vivant de la « politique » de Dieu. Il doit être ambassadeur de Dieu et
prophète du retour du Christ48
. Le chrétien est révolutionnaire pour conserver le
monde dont le cours logique conduit inexorablement au suicide. Il appartient à
deux Cités qui ne pourront jamais coïncider. Il est engagé dans ce monde- ci et
en même temps citoyen d'un autre royaume. Toutes les solutions humaines sont
temporaires et empreintes du péché ; le chrétien doit sans cesse renouveler l'exigence
divine, c'est- à-dire tenter d'introduire un peu de liberté dans la société où il
vit. Il se comporte comme un levain : une substance qui détermine la fermentation
d'une autre substance sans être elle- même modifiée. Les chrétiens ont donc, au
plan politique, un rôle catalytique à jouer. Ils font office également de guetteur,
de sentinelle, comme le montre le prophète biblique Ezéchiel49
. Ils sont chargés
d'avertir le peuple et ils seront condamnés s'ils ne remplissent pas leur mission.
La sentinelle est appelée à voir des signes là où l'homme naturel aperçoit seulement
des événements. L'Église est là pour éclairer le chemin et donner un sens
à l'aventure humaine, non pour reproduire les clivages politiques traditionnels,
ni pour se laisser absorber par le corps social. Au lieu de se comporter en force
réactionnaire face à un gouvernement progressiste et en force révolutionnaire face
à un régime conservateur, l'Église doit faire entendre sa différence en insistant sur
le point décisif mais non contesté : l'adoration universelle du pouvoir. Le rapport
du chrétien au politique doit se caractériser par une contradiction dialectique
entre la prise au sérieux de l'instance politique et sa relativisation absolue d'une
48. P. Troude- Chastenet, Lire Ellul. Introduction à l'œuvre sociopolitique de Jacques Ellul, Presses universitaires
de Bordeaux, Talence, 1992, p. 160.
49. J. Ellul, Les combats de la liberté, Le Centurion/Labor et Fides, Genève/Paris, 1984.

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