Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 60

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Jacques Ellul : du droit romain à l'écologie politique
spontanées » auxquels s'ajoutaient de nombreux intellectuels comme Cornelius
Castoriadis et Radovan Richta « permettraient » - il insistait sur le conditionnel - de
sortir des deux socialismes qui avaient échoué55
. En 1981, Ellul se demandait si ces
« granules sporadiques » pourraient se constituer un jour en foyer d'un mouvement
social révolutionnaire. Serait- il possible de conjuguer la profonde mutation de la
technique via l'émergence de la micro- informatique avec les aspirations confuses
à de nouvelles formes de socialisme portées non par les partis mais par des petits
groupes ad hoc sans chefs ? Avec le recul du temps, on peut affirmer qu'Ellul a
eu raison de dire que la conjonction n'aurait rien d'automatique. Il ne cessait de
répéter que la porte était étroite. Voulant sans doute réhabiliter la vertu mobilisatrice
de l'utopie, Ellul appelait de ses vœux une révolution qui devait atteindre
cinq objectifs. Cette révolution supposait, premièrement une reconversion totale
de la puissance productrice occidentale par une aide au tiers- monde, « complète et
totalement désintéressée ». Deuxièmement, le choix délibéré de la non- puissance.
Autrement dit, la disparition de l'armée mais aussi la destruction du « National »
au profit de la reconnaissance des particularismes régionaux et l'abolition de l'État
centralisé bureaucratique en tant que facteurs de désordre. Ce qui voulait dire
notamment refus de la croissance, réduction de la consommation et du niveau de
vie, égalisation du travail et des revenus, création de petites unités de production.
Ce qui signifiait également qu'en toutes choses c'était la solution la plus humaine
qui devait l'emporter et non pas la plus brutalement efficace. Troisièmement :
éclatement et diversification. Pour la France, par exemple, suppression de la centralisation
parisienne sous toutes ses formes. Priorité systématique aux minorités en
tout genre. Le temps de parole des partis politiques, précisait Ellul, devrait être
inversement proportionnel à leur taille. « Au milieu de cent discours délirants, il y
en a un qui est prophétique56
. » Production locale d'énergie, service public réduit
à la suppléance et autogestion généralisée. Quatrièmement : réduction drastique
du temps de travail. Ellul considérait qu'il était déjà possible, en 1981, de ne
travailler que deux heures par jour grâce à l'automatisation et à l'informatisation.
Ce temps de travail réduit devait en outre être autogéré et partagé sur la
base du consentement. Pour ne pas retomber dans les pièges de la société de
consommation, il fallait encourager toutes les formes d'utilisation créative du
temps ainsi libéré. Enfin, cette révolution permettrait la résolution du problème
économico- financier posé par les quatre objectifs précédents. La réduction du
temps de travail impliquerait donc une mutation dans la répartition des valeurs
produites devant déboucher sur l'abolition complète du salariat. L'idée même de
salaire lié au travail disparaîtrait au profit d'une « fraction de base » de la richesse
55. J. Ellul, Changer de révolution, op. cit., p. 245.
56. J. Ellul, ibid. p. 249.

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