Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 64

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Jacques Ellul : du droit romain à l'écologie politique
Testament fait dépendre directement la sécurité de l'homme du respect de la trêve
qu'il doit accorder à la terre à l'occasion des années sabbatiques et jubilaires. Si
l'homme veut habiter le pays en sécurité (Lévitique XXV, 18), il doit se soumettre
à ces lois et coutumes destinées à lui rappeler qu'il n'est qu'un invité sur la terre
dont Yahvé est l'unique propriétaire. S'il les viole, s'il franchit toutes les bornes,
s'il ignore toutes limites, s'il empoisonne l'eau, le sol et l'air, s'il pille la mer
jusqu'au fond des océans, s'il exploite à mort, s'il torture les animaux, s'il détruit
jusqu'aux grands fauves qui le menaçaient jadis, alors Dieu n'interviendra pas
brutalement mais se contentera de laisser faire tout simplement. Et la sanction
viendra naturellement, si l'on ose dire. « C'est notre situation actuelle dans le
" drame écologique " », résume Ellul qui conclut que « c'est le comportement de
l'homme envers la création qui détruit sa propre sécurité. C'est exactement le
point où nous en sommes66
. » Ainsi, l'auteur de Théologie et Technique67
renverset-il
la thèse selon laquelle le judéo- christianisme serait à l'origine de la crise
écologique. Ce n'est pas en respectant la parole biblique que l'homme a provoqué
la crise écologique, mais c'est au contraire parce qu'il ne croit plus au Créateur
(Dieu) qu'il se conduit de façon irresponsable envers la création (la Nature).
Empruntant un autre chemin, Ellul n'en rejoint pas moins son ami Bernard
Charbonneau affirmant que l'on ne peut poursuivre un développement infini
dans un monde fini68
.
XVIII - CONCLUSION
En résumé, Jacques Ellul inscrit son projet révolutionnaire dans la filiation de
l'écologie personnaliste, de l'anarchisme non violent, du socialisme révolutionnaire
et de la Parole du Christ. Il fustige la vacuité de toute forme d'activisme politique
partisan et en même temps il condamne tout retrait mystique. D'un côté, il
affirme que la prise de conscience est une étape nécessaire mais non suffisante d'un
changement effectif (il raille les partisans d'une prétendue « liberté intérieure »),
de l'autre il érige la contemplation au rang de seule attitude révolutionnaire
authentique. D'une part, il exhorte les chrétiens à s'impliquer dans l'entreprise
révolutionnaire, d'autre part il se distingue des mouvements issus de la théologie
de la libération en rappelant que la parousie chrétienne ne doit pas être confondue
66. J. Ellul, « Le rapport de l'homme à la création selon la Bible », Foi et Vie, n° 5/6, déc. 1974, p. 150
ainsi que J. Ellul, Théologie et Technique, op. cit., p. 214.
67. J. Ellul, Théologie et Technique. Pour une éthique de la non- puissance, op. cit.
68. B. Charbonneau, [1969], Le jardin de Babylone, Encyclopédie des nuisances, Paris, 2002 ;
B. Charbonneau, [1980], Le feu vert. Autocritique du mouvement écologique, Lyon, Parangon/Vs, 2009.
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