Hors collection - 150 ans de la faculté de droit de Bordeaux, quel héritage doctrinal ? - 99

Bertrand Maumont
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théorie de l'acte juridique « à la française »31
. En outre, son œuvre présente un
intérêt passé plus inaperçu qui remonte aujourd'hui à la surface. Le professeur
bordelais, en effet, ne livre pas une théorie de l'acte juridique mais une théorie de
l'acte juridique et du fait juridique. Il envisage les deux notions d'un seul bloc,
comme deux rouages imbriqués, en faisant ressortir leurs points communs et leurs
différences spécifiques. Or, cette summa divisio se retrouve aujourd'hui dans le
Code civil, dans le champ toutefois étroit du droit des obligations32
. L'article 1100
présente l'acte juridique et le fait juridique comme des sources d'obligations aux
côtés de la loi. Les articles 1100-1 et 1100-2 posent des définitions et désignent
les corps de règles applicables à l'un comme à l'autre : les actes juridiques, qui
peuvent être conventionnels ou unilatéraux, sont des « manifestations de volonté
destinées à produire des effets de droit » soumises « en tant que de raison » aux
règles générales relatives au contrat ; les faits juridiques désignent « des agissements
ou des évènements auxquels la loi attache des effets de droit » et sont régis « selon
les cas » par les dispositions relatives à la « responsabilité extracontractuelle » ou
par celles consacrées aux « autres sources d'obligations ».
Mais, au moment de mesurer l'apport de la pensée de Bonnecase sur le terrain
du droit positif, la prudence est de mise. Bonnecase, en effet, est surtout connu
comme « spécialiste de l'analyse de la doctrine »33
voire comme « l'historien officiel
de la doctrine du xixe siècle »34
leur pensée35
de pensée de son époque36
, en raison de ses nombreux travaux sur les auteurs et
. Il a ainsi offert une grille de lecture saisissante des différents courants
, décrivant une évolution aujourd'hui encore enseignée
entre le règne de « l'École de l'exégèse », qui réduit le Droit à la loi, et l'émergence,
à la fin du xixe
siècle, d'une glorieuse « École scientifique » postulant l'élargissement
31. V. Forray, « L'offre et l'acceptation dans les projets de réforme du droit français des contrats.
Remarques sur l'écriture doctrinale de droit des contrats », RTD civ. 2012, p. 231 et s. Adde. Cl. Brenner
et S. Lequette, v. « Acte juridique », Rép. civ. Dalloz, févr. 2019, n° 5, qui citent Bonnecase aux côtés de
Capitant, Planiol et Baudry- Lacantinerie.
32. Sur les implications d'un tel cantonnement, v. not. P. Ancel, « Acte juridique et déclaration de
volonté : la greffe allemande sur le droit français des obligations », in Traditions savantes et codifications,
op. cit., p. 161 et s. ; M. Poumarede, « La place de l'acte juridique dans les projets de réforme du droit
des obligations », in Métamorphoses de l'acte juridique, Presses de l'Université Toulouse 1 Capitole,
LGDJ, 2011, p. 11 et s.
33. N. Olszak, op. cit.
34. Ch. Jamin, « L'oubli et la science, Regard partiel sur l'évolution de la doctrine privatiste à la charnière
des ixe
et xxe siècles », RTD civ. 1994, p. 815 et s.
35. V. N. Hakim, « Julien Bonnecase : historien de la science juridique ? », in Histoire de l'histoire du
droit, Presses de l'Université des sciences sociales de Toulouse, 2006, p. 291 et s.
36. J. Bonnecase, La pensée juridique française de 1804 à l'heure présente, op. cit.
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