Hors collection - Les États d'exception, un test pour l'État de droit (Revue du Droit Public - Numéro spécial) - 115

L'ÉTAT D'URGENCE : HORS OU DANS LA CONSTITUTION ?
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Afin d'anticiper sur une prochaine crise (57), la résolution de l'Assemblée
nationale adoptée le 1er
mars 2021 permettait, en cas de situation exceptionnelle,
à la Conférence des présidents de prendre à nouveau toute règle
dérogatoire pour assurer la continuité du fonctionnement des travaux parlementaires.
Or, le Conseil constitutionnel a déclaré ce texte contraire à la
Constitution au motif que les adaptations qu'il envisageait n'étaient pas
suffisamment précises (58). Ce précédent rappelle qu'en période crise, il
peut s'avérer judicieux d'emprunter la voie des conventions (59) plutôt que
de chercher à codifier par anticipation des règles - même souples - qui,
confrontées à la légalité (constitutionnelle) ordinaire, risquent d'être censurées
par le juge ou qui, confrontées à des circonstances imprévues, ne seront
d'aucun secours.
III. - Il n'y serait pas
Un troisième discours part du principe qu'il convient de ne pas utiliser
le texte et la jurisprudence constitutionnels comme la porte d'entrée de la
connaissance sur l'état d'urgence. Ce dernier, dans sa dimension matérielle,
est « éminemment constitutionnel » (60), mais cela n'implique nullement
de plaider en faveur de son insertion dans la Constitution formelle. L'état
d' urgence rentre dans les pouvoirs de crise et, à ce titre, il porte sur la matière
constitutionnelle dont l'objet consiste à la fois à organiser les pouvoirs et à
les limiter. Les sources de ce droit - matériellement constitutionnel - sont
législatives et réglementaires. Il convient donc de partir à leur recherche dans
les textes du Code de la défense, du Code de la sécurité intérieure, du Code
de la santé publique, dans les décrets et arrêtés pour apprécier (et commenter)
les évolutions en la matière en insistant sur la dimension institutionnelle de
la matière.
Cette démarche - qui peut d'ailleurs s'avérer complémentaire à celle
qui se focalise sur les grands principes et la jurisprudence constitutionnels
- met en relief certaines incohérences juridiques rencontrées, par
exemple, au moment du déclenchement de l'état d'urgence sanitaire par le
écrites ; la prise de parole depuis le banc (et non à la tribune) ; l'adaptation sanitaire des
locaux et l'espacement entre les parlementaires...
(57) V. Waserman S., Rapport du groupe de travail chargé d'anticiper le mode de
fonctionnement des travaux parlementaires en période de crise, 12 nov. 2020, en ligne
(www.assemblee-nationale.fr).
(58) Cons. const., 1er
avr. 2021, n° 2021-814 DC.
(59) La convention renvoie au « mode non juridique de création normative inhérent
au droit politique » (Avril P., Gicquel J., Gicquel J.-É., Droit parlementaire, 6e
éd.,
2021, LGDJ, Précis Domat droit public, p. 44).
(60) Beaud O., Guérin-Bargues C., L'état d'urgence..., op. cit., p. 6.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° Spécial-2021

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