Hors collection - Les États d'exception, un test pour l'État de droit (Revue du Droit Public - Numéro spécial) - 142

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SAMY BENZINA
rien faire l'un sans l'autre. À la fin des fins, ils doivent s'entendre » (13). Les
difficultés à faire parfois exécuter ses injonctions par le gouvernement ont par
exemple mené l'ancien président François Hollande à proposer la suppression
pure et simple de la fonction de Premier ministre (14).
Si la doctrine a largement étudié la question de la dyarchie de l'exécutif
République, que ce soit en période de concordance des majorités ou
de cohabitation, elle n'a guère traité des rapports entre les deux têtes de l'exécutif
durant les périodes d'état d'urgence. Il faut rappeler que l'état d'urgence
est un état d'exception, que l'on pourrait ranger dans la catégorie des pouvoirs
de crise au même titre que l'article 16 ou l'état de siège (15), et qui permet
temporairement une extension des pouvoirs de police administrative des autorités
civiles afin de faire face à un péril imminent. Le premier régime d'état
d'urgence, que l'on qualifiera d'état d'urgence sécuritaire, est issu de la loi
n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, qui fut adoptée, comme
souvent en la matière, dans la précipitation (16). Ce régime a été construit
sous la ive
sous la ve
République afin de faire face aux mouvements insurrectionnels
en Algérie. Il institue un état d'exception durant lequel les autorités administratives
compétentes pourront prendre des actes de police administrative qui
seraient illégaux en temps normal : limitation de la liberté de circulation dans
certains lieux et à certaines heures, assignations à résidence, ou encore perquisitions
administratives de jour comme de nuit. Il s'agit donc d'un régime
particulièrement attentatoire aux libertés qui peut être appliqué sur tout ou
partie du territoire et doit être justifié, selon la loi de 1955, par l'existence
d'un « péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en
cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de
calamité publique ». Contrairement à l'état de siège ou à l'article 16, l'état
d'urgence n'a jamais été constitutionnalisé, son régime restant exclusivement
légal, ce qui, selon le Conseil constitutionnel, ne poserait pas de problème de
constitutionnalité (17).
Face à un nouveau type de péril imminent, une pandémie mondiale, le
législateur a de nouveau, dans la précipitation, élaboré un autre régime d'état
d'urgence : l'état d'urgence sanitaire. Ce nouvel état d'exception est fondé
(13) Cordelier J., Ono-dit-Biot C., Schuck N., « Édouard Philippe : " J'aime être aux
manettes " », Le Point 1er
avr. 2021.
(14) Hollande F., Les leçons du pouvoir, 2019, Livre de poche, p. 41 et 42.
(15) V. en ce sens : Rousseau D., « L'état d'urgence, un état vide de droit(s) »,
Projet 2006, n° 291, p. 19 à 26, spéc. p. 21 ; Beaud O., Guerrin-Bargues C., L'état
d'urgence. Une étude constitutionnelle, historique et critique, 2018, LGDJ, 2e
éd., p. 13.
(16) V. Beaud O., Guerrin-Bargues C., L'état d'urgence..., op. cit., p. 131 et s. Les
deux auteurs constatent que les régimes d'état d'urgence comme leur modification ont
en commun d'être toujours adoptés avec une célérité excessive.
(17) Cons. const., 25 janv. 1985, n° 85-187 DC, Loi relative à l'état d'urgence en
Nouvelle-Calédonie et dépendances, § 2 à 4.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° Spécial-2021

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