Hors collection - Les États d'exception, un test pour l'État de droit (Revue du Droit Public - Numéro spécial) - 173

GOUVERNER LES FINANCES PUBLIQUES EN RÉGIME D'ÉTAT D'URGENCE :
LE FAUX « MOMENT HAMILTONIEN » DE L'EUROPE
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profit de ses États membres est venue du Président Emmanuel Macron, ce qui
n'est pas étonnant, car les « élites françaises » militent de longue date pour
la formation d'une dette publique fédérale en Europe (32), sa consécration
peut être considérée comme un « moment Merkel » parce que la chancelière a
pris un risque politique considérable en rompant avec la culture de la grande
majorité des élites de son pays, lesquelles, avec celles des pays de l'Europe
du Nord, ont toujours été hostiles à une mutualisation des dettes publiques
au niveau européen (33), ce à quoi aboutit en partie la création du fonds de
relance Next Generation EU.
Le fonds comprend deux volets : d'une part, un abondement des programmes
du CFP, selon les règles habituelles des cinq « fonds structurels » (34) qui
sont gérés par des accords de partenariat entre chaque pays et la Commission
européenne ; d'autre part, un instrument appelé « facilité pour la reprise et la
résilience » (FRR), qui réunit l'ensemble des prêts de l'instrument de relance
(360 Md€) ainsi que les subventions aux États membres qui ne transitent pas
par les autres programmes du CFP (312,5 Md€ sur les 390 Md€ dédiés aux
subventions non remboursables et garanties). Pour bénéficier des fonds de la
FRR, les États membres devront élaborer des « plans nationaux pour la reprise
et la résilience », en établissant leurs programmes de réforme et d'investissement
pour les années 2021 à 2023, qui seront évalués par la Commission
européenne et approuvés par le Conseil à la majorité qualifiée sur proposition
de cette dernière. La clé d'allocation des subventions de la FRR intègre pour
30 % de l'enveloppe la perte de produit intérieur brut (PIB) en 2020 et la perte
de PIB cumulée entre 2020 et 2021.
L'accord est véritablement novateur par trois aspects : tout d'abord, il remet
en cause le principe selon lequel l'UE n'a pas le droit d'emprunter, même s'il
existait déjà quelques exceptions, la Commission ayant été autorisée à émettre
des obligations pour des programmes limités (35) ; d'autre part, il permet que
(32) Candidat à la présidence de la République, M. Emmanuel Macron avait préconisé
en 2017 de créer un budget pour la zone euro, placé sous la responsabilité d'un
ministre de l'Économie et des Finances de la zone euro qui agirait sous le contrôle d'un
Parlement de la zone euro. Même si M. Macron ne le précisait pas, cette proposition
conduisait nécessairement à la création d'un Trésor fédéral chargé de l'émission de
dettes publiques de l'UE.
(33) Dans la « feuille de route franco-allemande pour la zone euro » du 19 juin 2018,
Mme Merkel avait accepté le projet d'un « budget de la zone euro », mais le document
précisait que « la zone euro a besoin d'une véritable fonction de stabilisation macroéconomique,
sans transferts », ce qui excluait une dette publique fédérale.
(34) Fonds européen de développement régional (FEDER), Fonds social européen
(FSE), Fonds de cohésion (FC), Fonds européen agricole pour le développement
rural (FEADER), Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).
(35) La Commission indique qu'en 2021, elle poursuivra son plan d'émission d'obligations
en levant au moins 62,9 Md€ pour « le programme SURE, destiné à soutenir
les programmes d'emploi à court terme dans les États membres de l'UE, le Mécanisme
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° Spécial-2021
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