Hors collection - Les États d'exception, un test pour l'État de droit (Revue du Droit Public - Numéro spécial) - 22

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XAVIER MAGNON
Concernant la mesure de l'exception, et donc la recherche du critère caractéristique
de l'état d'exception, il faut s'entendre sur l'articulation que nous
retiendrons, de manière conventionnelle, des termes « exception », « dérogation
» et « spécialité ». L'exception traduit une situation qui échappe à l'application
d'une règle générale, alors pourtant qu'elle relève de son domaine
d'application, et qui se voit appliquer une autre règle, cette dernière prévoyant
précisément que cette situation obéit à une autre règle que celle générale.
Cette autre règle est une règle spéciale, qui pose une exception à la règle
générale et qui déroge ainsi à celle-ci. L'état d'exception est un ordre normatif
spécial, qui constitue une exception au droit commun constitutionnel et qui
déroge ainsi à celui-ci.
Cette précision terminologique apportée, il est possible d'éclairer cette
question de la densité de la dérogation, constitutive d'un état d'exception, à
partir d'une échelle de la prise en compte de l'exception par le droit constitutionnel
positif, qui comprend trois niveaux.
Le premier consiste à prévoir une règle spéciale, qui déroge à la règle
générale, lors de la survenance d'un événement particulier. Par exemple,
sous la ve
République, en cas d'empêchement ou de vacance à la présidence
de la République, cette fonction n'est plus assurée par celui qui a remporté
les précédentes élections présidentielles au suffrage universel direct (depuis
1962), mais par le président du Sénat ou, en cas d'empêchement ou de
vacance de celui-ci, par le gouvernement. La Constitution gère l'exception,
l'empêchement ou la vacance, en prévoyant une autre règle de désignation
du président, une autre autorité que celle qui devrait assurer la fonction
devant l'exercer.
Le deuxième niveau consiste à prévoir des règles différentes par rapport
aux règles générales dans tout un ensemble de cas, et non plus dans un
seul cas comme dans la situation précédente, mais qui ne concernent qu'un
domaine particulier. À titre d'illustration, la loi fondamentale allemande prévoit
que « les lois relatives à la défense, y compris la protection de la population
civile, peuvent prévoir des limitations aux droits fondamentaux de la
liberté de circulation et d'établissement (article 11) et d'inviolabilité du domicile
(article 13) » (L. fondamentale allemande, art. 17 a, 2). L'exception est
limitée dans son domaine d'application, elle ne porte que sur les lois relatives
à la défense, et quant à l'étendue des restrictions, seules quelques libertés
limitativement désignées sont concernées.
La troisième et dernière forme de l'exception consiste à autoriser l'adoption
de règles différentes, selon des modalités de production dérogatoires
par rapport aux règles générales, dans tout un ensemble de cas, sans limitation
préalable du domaine d'intervention, tant que les règles sont adaptées
entendu, selon lui, que « Schmitt théorise la situation exceptionnelle » (Carpentier M.,
Norme et exception..., op. cit., p. 7).
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° Spécial-2021

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