Hors collection - Les États d'exception, un test pour l'État de droit (Revue du Droit Public - Numéro spécial) - 243

JUGER LA DÉCISION D'INSTAURER ET DE PROLONGER L'ÉTAT D'URGENCE.
CONSIDÉRATIONS SUR LE CONTRÔLE DE L'EXCEPTIONNEL
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l'espace et qui contribue à prévenir le péril imminent ou les conséquences de
la calamité publique auxquels le pays est exposé » (23).
L'analyse de ces positions laissait prospérer un certain flottement sur l'existence
d'un contrôle de la réalité du péril. En 1985, François Luchaire avait suggéré
que « la nécessité était tellement évidente qu'elle n'avait pas à être discutée
devant le juge » (24). En 2015-2017, Jean-François de Mongolfier estimait
« probable » qu'il en ait été de même, tout en appelant à une prise de position
expresse (25). Le doute est désormais levé sur la plénitude du contrôle exercé.
C'est un progrès pour la cohérence de la jurisprudence du Conseil constitutionnel
en matière d'urgence dérogatoire. C'est surtout de nature à rassurer quant
à la possibilité, que le Conseil constitutionnel entend clairement exercer, de
mettre fin à l'état d'urgence si sa prorogation venait à n'être plus indispensable.
Cette évolution a été amorcée en juillet 2020, lorsque le Conseil constitutionnel
a contrôlé le premier régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire. Il
avait plus particulièrement examiné certaines mesures pouvant être prises dans
ce cadre, en prenant en compte la période durant laquelle pouvaient être prises
ces mesures. Il avait alors opéré un contrôle restreint sur le risque important
de propagation de l'épidémie durant cette période et implicitement admis que
la durée d'application des mesures prévues par la loi déférée procédait d'une
appréciation qui n'était pas déraisonnable, par le législateur, du risque de propagation
de l'épidémie de Covid-19 (26).
Indépendamment de la méthode jurisprudentielle à l'œuvre et de ses bonnes
pratiques (27), le contrôle ainsi exercé est entouré d'un halo de réserve.
Comme il le rappelle habituellement lorsqu'il s'agit de prendre en compte
des situations factuelles au regard de connaissances scientifiques, le Conseil
constitutionnel s'est livré uniquement à un contrôle de l'absence d'erreur
manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne « dispose pas d'un pouvoir général
d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ». Au
(23) Cons. const., 19 févr. 2016, n° 2016-536 QPC, Ligue des droits de l'homme
[Perquisitions et saisies administratives dans le cadre de l'état d'urgence].
(24) Luchaire F., note sous Cons. const., 25 janv. 1985 : D. 1985, p. 366.
(25) Mongolfier (de) J.-F., « L'urgence et le Conseil constitutionnel », art. cité.
(26) Cons. const., 9 juill. 2020, n° 2020-803 DC, Loi organisant la sortie de l'état
d'urgence sanitaire : « ces mesures [restrictives de déplacement] ne peuvent être prononcées
que pour la période allant du 11 juillet au 30 octobre 2020, durant laquelle le
législateur a estimé qu'un risque important de propagation de l'épidémie persistait. Il
n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général
d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en
cause l'appréciation par le législateur de ce risque, dès lors que cette appréciation n'est
pas, en l'état des connaissances, manifestement inadéquate au regard de la situation
présente » (nous soulignons).
(27) Qu'on nous permette de renvoyer à M. Disant et S. Miller, « La jurisprudence
constitutionnelle est-elle prévisible ? Pratiques de la sécurité juridique », Titre VII
oct. 2020, n° 5.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° Spécial-2021
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