Hors collection - Les États d'exception, un test pour l'État de droit (Revue du Droit Public - Numéro spécial) - 245

JUGER LA DÉCISION D'INSTAURER ET DE PROLONGER L'ÉTAT D'URGENCE.
CONSIDÉRATIONS SUR LE CONTRÔLE DE L'EXCEPTIONNEL
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risque est désormais exercé par le Conseil constitutionnel lorsque l'incertitude
porte sur son ampleur (« l'existence d'une catastrophe sanitaire »), le moment
de sa réalisation ou sa durée prévisible (« persistance prévisible »). Même s'il
demeure restreint, un tel contrôle sur les mesures de prévention est révélateur
de l'émergence d'un contrôle du risque.
En ouvrant implicitement la porte à un recours contre une décision de refus
de sortir de l'état d'urgence, le Conseil constitutionnel pourra préciser la teneur
de son contrôle et en confirmer le caractère contraignant. Les contentieux
futurs permettront, quant à eux, de vérifier si le contrôle de la matérialité de la
menace sanitaire est un hapax juridique, une occurrence isolée, ou s'il est réplicable
dans le champ général du contrôle de l'urgence. Par ailleurs, l'évolution
de la jurisprudence constitutionnelle permettra peut-être au contrôle constitutionnel
du risque de se développer, en dehors du contrôle de l'exceptionnel,
dans les domaines (environnement, bioéthique...) où il s'affirme, en germe ou
de façon plus évidente, comme un nouvel enjeu du contrôle juridictionnel en
général, et du dynamisme du juge constitutionnel en particulier.
C'est l'un des volets contentieux des nombreux défis, anciens ou nouveaux,
pour le contrôle des états d'exception. L'analyse du risque est encore
largement délaissée en droit. En tenant compte de la nature du risque, de son
intensité, de sa volatilité, le juge s'y prête d'ores et déjà par expérience et
pragmatisme. Il est évident, par exemple, que l'ignorance de l'ampleur du
risque, comme c'était le cas lors du premier confinement sanitaire, a été
déterminante dans l'issue du contrôle opéré par le Conseil d'État. On pourra
toujours se demander si le juge dispose des outils adéquats pour le mesurer
et des échelles pour le jauger, si le Conseil constitutionnel est suffisamment
armé pour le faire sans altérer la nature de son office. Mais on peut au moins
rappeler qu'en matière de risque, le contrôle ne relève ni de l'évaluation, ni de
la gestion. La première repose sur l'indépendance scientifique. La deuxième
ressort de la responsabilité du gouvernement, dont c'est l'honneur et le devoir.
Le juge n'est pas là pour marquer des points contre les deux autres, s'y substituer
ou tenter d'imposer un arbitrage différent. Chacun doit être dans son rôle,
tout son rôle, rien que son rôle.
Avril 2021
Mathieu Disant
Professeur à l'École de droit de la Sorbonne (EDS)
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
l'analyse d'une extension du champ d'application du principe de proportionnalité :
Goesel-Le Bihan V., « Le contrôle de proportionnalité au Conseil constitutionnel »,
AJDA 2021, p. 786.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° Spécial-2021

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