Hors collection - Les États d'exception, un test pour l'État de droit (Revue du Droit Public - Numéro spécial) - 264

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LOUIS BORÉ
Pourtant, pour que le juge puisse jouer son rôle de gardien des libertés,
encore faut-il que son prétoire demeure accessible aux justiciables et qu'il
soit en mesure de rendre des décisions. La première condition de la protection
des libertés est donc de pouvoir disposer de juridictions ouvertes et en état de
marche.
À cet égard, la situation de la Cour de cassation a beaucoup changé entre le
premier état d'urgence sanitaire issu de la loi du 23 mars 2020 et des décisions
réglementaires qui l'ont précédé et celui issu de la loi du 14 novembre 2020.
A. - Le plan de continuité d'activité
Au mois de février 2020, la Chancellerie a demandé à l'ensemble des juridictions
françaises de préparer des « plans de continuité d'activité » qui pourraient
être mis en œuvre si la pandémie prenait de grandes proportions en
France. Elle avait fait de même en 2010 pour préparer une éventuelle crise
liée au virus H1N1.
On peut tout à fait comprendre une telle démarche. L'institution judiciaire
est composée d'hommes et de femmes menacés par le virus comme tous les
êtres humains et il est légitime de vouloir les protéger. Cependant, dans la
mesure où la crise a conduit à maintenir les activités essentielles et à suspendre
celles qui ne l'étaient pas, on peut se demander si la justice ne constituait
pas une activité absolument essentielle dont la société ne pouvait se
passer.
Le plan de continuité d'activité qui avait été adopté par la Cour de cassation
prévoyait le maintien de ce que l'on appelle les « dossiers à délais » à
la chambre criminelle. En matière de détention provisoire, de mandat d'arrêt
européen et de renvoi devant les juridictions criminelles et correctionnelles,
il s'agit des pourvois dans lesquels la Cour de cassation doit statuer dans un
délai contraint sous peine de remise en liberté du demandeur au pourvoi s'il
est détenu. Était considéré comme souhaitable, mais pas impératif, le jugement
des pourvois contre les arrêts qui ne mettent pas fin à l'instance pénale
(CPP, art. 570) et ceux formés en matière d'extradition.
La deuxième chambre civile devait continuer à juger les pourvois concernant
l'inscription sur les listes électorales jusqu'au second tour des élections
municipales.
Toutes les chambres de la Cour devaient continuer à juger les QPC dont
elles étaient saisies dans la mesure où, ici encore, elles avaient l'obligation de
le faire dans un délai de 3 mois sous peine de dessaisissement.
Enfin, il était considéré comme souhaitable de juger les dossiers urgents qui
avaient fait l'objet d'une réduction de délais sur le fondement de l'article 1009
du Code de procédure civile ainsi que les demandes d'avis renvoyées par les
juridictions du fond. Et il était entendu que les avocats aux Conseils pourraient
signaler à chaque chambre les dossiers qui présentaient une urgence
particulière.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° Spécial-2021

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