Hors collection - Les États d'exception, un test pour l'État de droit (Revue du Droit Public - Numéro spécial) - 266

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LOUIS BORÉ
les plus graves portées à nos libertés. C'est donc son juge naturel, le Conseil
d'État, qui se trouve nécessairement en première ligne.
Pour autant, la Cour de cassation est, elle aussi, juge des rapports entre
l'État et les individus dans plusieurs contentieux.
Elle l'est tout d'abord, évidemment, en matière pénale. Mais elle l'est aussi
en matière de rétention des étrangers et d'hospitalisation d'office.
À chaque fois est en cause la liberté individuelle au sens de l'article 66 de
notre Constitution qui fait du juge judiciaire son gardien.
Il n'est, dès lors, pas très étonnant de constater que la chambre de la Cour
de cassation qui a tenu le plus d'audiences pendant le premier confinement a
été la chambre criminelle.
Il est, en revanche, plus surprenant que la première chambre civile, compétente
en matière de rétention des étrangers et d'hospitalisation d'office, n'en
ait tenu aucune. Il faut dire, à sa décharge, que dans la très grande majorité
des cas, elle statue plus sur des principes juridiques que sur des situations
concrètes, car les mesures de courte durée qu'elle juge ont cessé de produire
leurs effets lorsqu'elle rend sa décision.
C. - La violence de la crise
Lorsque le plan de continuité d'activité a été élaboré, personne n'imaginait
que la France ferait l'objet d'un confinement général.
On pensait que l'activité de la Cour serait impactée par la maladie, que les
déplacements seraient limités et les personnes incitées à travailler à domicile,
mais on ne pensait pas que nous serions tous assignés à résidence avec interdiction
de sortir sous peine de sanction pénale.
La violence de la crise, sa soudaineté aussi, a entraîné pour beaucoup un
sentiment de sidération.
Le confinement général du 17 mars est intervenu très peu de temps après
l'adoption du plan de continuité d'activité et la Cour de cassation, comme la
quasi-totalité des juridictions judiciaires françaises, n'était pas techniquement
équipée pour travailler à distance à cette date.
Pourtant, la procédure devant les chambres civiles est dématérialisée depuis
des années, mais si les magistrats étaient équipés d'ordinateurs portables, tel
n'était pas le cas des greffiers. Or, une juridiction ne peut pas fonctionner sans
greffe. Le secrétariat général de la Cour s'est donc concentré sur l'équipement
du greffe et celui-ci a fait de rapides progrès.
Pour autant, la Cour n'a tenu aucune audience civile entre le 17 mars et le
11 mai.
Seule la chambre criminelle a continué à tenir des audiences, en formation
restreinte à trois magistrats, pour statuer sur les pourvois « à délai » que nous
avons évoqués plus haut et les QPC.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° Spécial-2021

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