Hors collection - Les États d'exception, un test pour l'État de droit (Revue du Droit Public - Numéro spécial) - 271

LA COUR DE CASSATION, L'ÉTAT D'URGENCE ET LA PROTECTION DES LIBERTÉS
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faites à la lumière du droit national et celles faites sur le fondement du droit
international (10).
La Cour de cassation en a cependant tiré toutes les conséquences en renvoyant
au Conseil constitutionnel deux QPC portant sur l'article 16 de
l' ordonnance pénale, malgré l'interprétation qu'elle en avait faite (11).
Et par une décision du 29 janvier 2021, le Conseil constitutionnel a jugé
contraire à la Constitution cette disposition, purement et simplement, mais
en ajoutant que les mesures prises sur son fondement ne pourront pas être
remises en cause (12).
On le voit, le concours de juges protecteurs des libertés permet un renforcement
de leur protection. Entre la décision du Conseil d'État du 3 avril 2020,
celle de la Cour de cassation du 26 mai 2020 et celle, enfin, du Conseil constitutionnel
du 29 janvier 2021, l'article 66 de la Constitution qui exige que le
maintien en détention d'une personne soit soumis, à bref délai, au contrôle du
juge judiciaire a fait l'objet d'une application plus stricte qui appelle plusieurs
observations.
Tout d'abord, la temporalité des juges n'a pas été la même. Grâce au
référé-liberté ou à cause de lui, le Conseil d'État est intervenu quelques
jours à peine après l'entrée en vigueur du texte litigieux, la Cour de cassation
2 mois après, et le Conseil constitutionnel 10 mois plus tard. La soudaineté
et la violence de la crise du mois de mars ont certainement influencé
la décision du juge administratif et cet impact a été moindre pour les juges
judiciaires et constitutionnels qui ont bénéficié de plus de recul pour apprécier
la conventionnalité et la constitutionnalité de l'ordonnance. Mais c'est
le Conseil d'État qui aurait pu, de la façon la plus effective, faire obstacle à
l'application de ce texte.
Ensuite, la jurisprudence du 2 octobre 2020 qui, on l'a vu, a été critiquée
en ce qu'elle remet partiellement en cause la théorie du droit vivant et l'interprétation
des textes légaux par nos juridictions suprêmes administratives et
judiciaires est, finalement, très fidèle à notre tradition juridique.
La France est un pays de droit écrit. Lorsqu'un texte est affecté d'une malfaçon,
il est bon que les juridictions administratives et judiciaires puissent
l'interpréter de façon à le rendre conforme à nos engagements internationaux,
mais il est encore meilleur de l'abroger afin que le législateur revoie sa copie.
Ainsi, la règle nouvelle figurera dans le corps même du texte et non dans une
interprétation adventice qui est beaucoup plus difficilement accessible pour
les profanes. Les règles de droit, en France, doivent être, autant qu'il est possible,
accessibles à chaque citoyen et non réservées aux savants.
(10) Bonnet J., Gahdoun P.-Y., « Le Conseil constitutionnel déclare la guerre aux
interprétations supranationales de la loi », AJDA 2020, p. 2158.
(11) Cass. crim., 3 nov. 2020, nos
20-83457 et 20-83189.
(12) Cons. const., 29 janv. 2021, n° 2020-878/879 QPC.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° Spécial-2021

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