Hors collection - Les États d'exception, un test pour l'État de droit (Revue du Droit Public - Numéro spécial) - 308

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ELEONORA BOTTINI
A. - Le barrage politique du Parlement italien
dans la procédure pénale ordinaire contre les ministres
En Italie, premier pays touché par l'épidémie, l'état d'urgence a été
déclaré le 1er
février 2020 (61). Celui-ci a eu comme conséquence principale
de donner des pouvoirs extraordinaires au président du Conseil des
ministres, à l'époque Giuseppe Conte. C'est à son encontre ainsi que celle
du ministre de la Santé que les plaintes pénales ont été déposées ; elles
n'auront probablement aucune conséquence, car le bureau du procureur de
Rome a transmis le dossier au tribunal des ministres tout en demandant
le classement sans suite en considération de l'absence de fondement des
accusations (62).
Toujours selon la Commission de Venise, « en général, les procédures spéciales
rendent les poursuites plus difficiles, car elles instaurent un seuil politique
qui, dans les faits, peut constituer une sorte d'immunité procédurale, ce
qui pose aussi problème sur le plan de l'État de droit » (63). Ce problème est
particulièrement visible dans la procédure italienne.
En Italie, le caractère « spécial » de la procédure de justice pénale pour les
membres du gouvernement dépend de la qualification des actes répréhensibles,
suivant que les actes sont détachables ou non des fonctions ministérielles.
Pour cette raison, la controverse sur la justice pénale pour les membres du
gouvernement se situe essentiellement au stade de la qualification des infractions
ministérielles. De cette qualification dépend la compétence du tribunal
des ministres, et par conséquent celle du Parlement, de fournir l'autorisation
des poursuites.
L'article 96 de la Constitution (64), réformé en 1989, régit la responsabilité
pénale des ministres pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs
fonctions (« reati commessi nell'esercizio delle loro funzioni »). Dans ce cas,
le tribunal des ministres est compétent, mais son action est soumise à l'autorisation
préalable des deux chambres du Parlement. Bien que la Constitution
(61) Amodio C., Boucobza I., « Quand le président du Conseil limite les libertés
au nom du droit à la santé publique... Imbroglio sur la constitutionnalité de l'état
d'urgence sanitaire en Italie », RDH 19 juill. 2020.
(62) Conte G., « Covid, avvisi di garanzia a Conte e sei ministri. Il pm: da archiviare.
Il premier: " Mi assumo responsabilità politica " », La Repubblica 13 août 2020,
Repubblica.it.
(63) Commission de Venise, Rapport sur la relation entre responsabilité politique et
responsabilité pénale des ministres, préc.
(64) « Le président du Conseil des ministres et les ministres, même s'ils ont cessé
leurs fonctions, sont soumis à la juridiction ordinaire pour les délits commis dans
l'exercice de leurs fonctions, sous réserve de l'autorisation du Sénat de la République
ou de la Chambre des députés, conformément aux règles établies par la loi constitutionnelle
» (Const. italienne, art. 96).
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° Spécial-2021

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