Hors collection - Les États d'exception, un test pour l'État de droit (Revue du Droit Public - Numéro spécial) - 314

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ELEONORA BOTTINI
comme pertinents dans leur rôle de support du président de la commission.
Les procédures suivies s'apparentent aux procédures judiciaires.
Les enquêtes publiques sont devenues un instrument récurrent de l'action
politique au Royaume-Uni, notamment lors de crises de nature très différente :
accidents de transports, incendies, mauvaise gestion de fonds de retraite, suicides
en prison, décision d'entrée en guerre ou diffusion de maladies infectieuses.
Entre 1990 et 2017, 69 public inquiries ont été initiées, dans le triple
objectif d'établir les faits, établir les responsabilités et identifier des moyens
d'éviter la survenance de crises similaires (86). L'objectif de l'établissement
des responsabilités concerne directement les ministres : pour cette raison,
l' indépendance de l'enquête est l'une de ses caractéristiques essentielles.
Certes, les enquêtes sont lancées et financées par le gouvernement, et par
un parallélisme des formes les ministres peuvent théoriquement interrompre
une enquête et destituer son président à tout moment, mais en pratique aucun
ministre n'a jamais exercé ce pouvoir.
Les public inquiries se situent à mi-chemin entre la responsabilité politique
classique exercée par le Parlement dans le cadre des commissions d'enquête et
des motions de censure du gouvernement, et la responsabilité juridique placée
dans les enceintes des cours de justice. Le gouvernement britannique, par la
décision d'accepter la création d'une enquête avant que celle-ci ait été ordonnée
par les tribunaux, a restitué son caractère politique à cet instrument d'établissement
des responsabilités des gouvernants. Par le rôle initiateur que la loi
donne au gouvernement, qui inclut le choix de la temporalité de l'enquête, le
Premier ministre a déplacé l'action sanitaire de l'exécutif entièrement sur le
terrain de la responsabilité politique, tout en cherchant à minimiser les effets
de celle-ci sur les prochaines élections. Cette stratégie gouvernementale de
re-politisation de la responsabilité en période d'urgence risque d'attiser les
critiques et il est possible de se demander si elle correspond réellement à
la demande faite au gouvernement de « rendre des comptes » dans des cas
aussi graves de pertes de vies humaines. Le recours au juge s'arrêtera-t-il au
Royaume-Uni du fait de cette acceptation ?
L'exemple britannique montre l'abandon de la responsabilité gouvernementale
stricto sensu propre aux régimes parlementaires, pour arriver à une
forme de contrôle populaire informel de l'action des gouvernants, du moins
s'agissant de la pré-initiative, qui, par l'intermédiaire du juge, aboutit à la
création d'une commission extra-parlementaire.
La comparaison entre les cas français, italien et britannique montre une perte
de puissance du Parlement dans l'exercice de sa fonction de contrôle, considérée
très largement, que l'état d'urgence contribue à rendre plus visible. Non
seulement les juridictions politiques (autrement dit, de nature parlementaire),
en France et en Italie, ne semblent plus acceptables, mais la recherche de la
(86) Institute for Government, « Public Inquiries », 21 mai 2018.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° Spécial-2021

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