Hors collection - Les États d'exception, un test pour l'État de droit (Revue du Droit Public - Numéro spécial) - 33

LE CONCEPT D'ÉTAT D'EXCEPTION, UNE LECTURE JURIDIQUE
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tente, même si les normes produites en ce domaine sont des normes réglementaires.
Le
Code de la défense fait référence à la guerre, dans le prolongement
d'ailleurs de la Constitution, et non pas à l'état de guerre. En dehors des prescriptions
constitutionnelles sur la déclaration de guerre, le Code de la défense
contient un chapitre relatif au « fonctionnement des pouvoirs publics », sans
aucune disposition législative, et le chapitre 2, une disposition sur le transfert
des compétences du maire au préfet en renvoyant à des dispositions du Code
général des collectivités territoriales (57). Il n'existe donc aucune dérogation
aux procédures de production des normes, seulement, de manière ponctuelle,
une dérogation, limitée dans son étendue, aux compétences conférées aux
maires. La guerre n'apparaît donc pas comme un état d'exception, ce qui ne
manque pas, en l'occurrence, d'interpeller dans la mesure où, s'il existe une
situation de fait exceptionnelle et dramatique indiscutable, la guerre apparaît
comme étant, sans doute, la première d'entre elles. Ce moment n'en justifie
pas, pour autant, un état d'exception. Le droit positif français ne fait donc pas
de la guerre un motif justifiant la mise en place d'un état d'exception.
Il faut sans doute compléter cette présentation sur la guerre par la théorie
des circonstances exceptionnelles, qui apparaît comme une construction
jurisprudentielle visant à admettre la légalité de dérogations au régime de
production des normes en période de guerre - les « évènements » d'Algérie
pouvant être intégrés dans cette dernière catégorie. Il reste que la théorie
des circonstances exceptionnelles n'est pas en elle-même un état d'exception
mais, plus précisément, une théorie justificative d'un état d'exception autorisant
de la part du juge une plus grande souplesse dans l'appréciation de la
légalité. De manière plus substantielle, cette théorie permet la mise en place
d'un état d'exception en dehors de toute habilitation normative. L'absence
d'un état de guerre/état d'exception, aussi bien dans la Constitution que dans
la loi, peut être compensée par une admission jurisprudentielle d'un état
d'exception spontané grâce à cette théorie. La position du Conseil constitutionnel
sur les états d'urgence, sécuritaire et sanitaire, hors Constitution,
s'apparente à cette théorie des circonstances exceptionnelles, transposée au
niveau du juge constitutionnel (58).
L'état d'urgence sécuritaire, prévu par la loi n° 55-385 du 3 avril 1955,
codifié dans le Code de la défense, est susceptible d'être prononcé « soit en
cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas
d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité
publique ». Il confère des pouvoirs spécifiques aux préfets, au ministre
(57) C. défense, art. L. 2112-1 à L. 2113-2.
(58) V. pour une lecture critique de l'existence éventuelle d'une « théorie » des
« circonstances particulières » utilisée par le Conseil constitutionnel : Jeanneney J.,
« La non-théorie des " circonstances particulières " », AJDA 2020, p. 843.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° Spécial-2021

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