Hors collection - Les États d'exception, un test pour l'État de droit (Revue du Droit Public - Numéro spécial) - 7

PRÉSENTATION
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plus, on ne pensait pas vivre assez longtemps pour avoir à rendre compte de
ses fautes. Ce qui importait bien davantage, c'était l'arrêt déjà rendu et menaçant
; avant de le subir mieux valait tirer de la vie quelque jouissance » (3).
Aujourd'hui comme hier donc, la pandémie met à mal nos manières d'être
au monde et la peur, peur de la mort due à la Covid ou à l'acte terroriste, fait
remonter à la surface, remet aux commandes le principe de sécurité contre le
principe de liberté. Le pouvoir législatif est marginalisé, l'autorité judiciaire
est contournée, les syndicats et associations négligés, les citoyens oubliés. Le
principe de la séparation des pouvoirs qui faisait tenir la démocratie politique
s'effondre par la concentration des pouvoirs entre les mains de l'Exécutif ; le
principe de libre administration locale qui faisait tenir la démocratie locale
s'effondre par l'affirmation des pouvoirs de l'État central et de ses préfets ;
le principe de la négociation collective des conditions de travail qui faisait
tenir la démocratie sociale s'effondre par le pouvoir donné au gouvernement
d'autoriser les employeurs à déroger au droit du travail.
La pandémie est un moment de vérité pour l'État de Droit, un test pour
l'État de droit. Il peut être emporté par la pérennisation des modes de gouvernement
et des lois et règlements adoptés depuis cinq ans et conduire à une
nouvelle figure de l'État, celle de l'État de surveillance ou de l'État sécuritaire.
Il peut aussi sortir renforcé de cette crise en faisant (re)découvrir l'importance
de la liberté d'aller et venir, de la liberté d'expression, de la liberté de réunion,
du droit au respect de la vie privée et familiale, de la garantie juridictionnelle
des droits, de la délibération parlementaire, bref, de la force oubliée et fragile
de la devise républicaine « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Il appartenait à la Revue du droit public et de la science politique en France
et à l'étranger, « revue d'ordre avant tout scientifique mais qui ne repoussera
pas cependant l'actualité quand elle entrera dans son cadre » comme l'écrivait
Ferdinand Larnaude en 1894 dans l'éditorial du premier numéro de la
RDP, de se saisir de cette interrogation, de penser ce qui arrive aujourd'hui à
l'ordre ordinaire de la chose politique, de comprendre la tension renouvelée
entre sécurité et libertés qui agit aussi bien sur les institutions que dans la
société, de tenter une critique raisonnée du présent et de l'avenir de l'État de
droit. D'où ces trois questions en écho ou en miroir de celles posées à l'État
de droit : comment penser l'État d'exception ? Comment gouverner en État
d'exception ? Et comment juger en État d'exception.
Aussi, la Revue remercie sincèrement et chaleureusement les auteurs qui
ont bien voulu participer à ce numéro spécial et contribuer, par leurs analyses,
leurs réflexions et leurs critiques à donner une connaissance propre à enrichir
l'intelligence publique.
Dominique Rousseau
Septembre 2021
(3) Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, Livre II, Robert Laffont, 1990
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° Spécial-2021

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