Hors collection - Les États d'exception, un test pour l'État de droit (Revue du Droit Public - Numéro spécial) - 88

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GUILLAUME RICHARD
L'effort des autorités de police et la rationalisation qu'en proposent les auteurs
tels que Delamare ou Peuchet au xviiie
siècle visent à pérenniser des mesures
constantes de vigilance, qui doivent éviter ou réduire la probabilité des crises.
La police sanitaire n'est pas tant un mécanisme d'exception parce qu'il sortirait
de la légalité ordinaire, que parce qu'il ne se déclenche pleinement que
lors de certaines circonstances.
En 1720, la surveillance des ports n'empêche pourtant pas l'épidémie
de peste de se propager à partir d'un navire contaminé arrivé à Marseille.
L'intervention insuffisante des autorités municipales et du Parlement de
Provence pousse le régent Philippe d'Orléans à imposer le blocus de la région
de Marseille (39). L'intervention du pouvoir royal, confirmée par plusieurs
textes dans les années suivantes, pose les bases d'une unification nationale de
la réglementation en matière épidémique. Les intendants se voient doter de
prérogatives pour surveiller les frontières ; des intendants de santé, sous leur
autorité, sont institués (40). Mais cette reprise en main royale ne connaît pas
de véritables suites, d'autant que la réglementation d'Ancien Régime, confirmée
à l'époque de la Révolution française, ne s'applique de façon constante
qu'aux ports de Méditerranée.
II. - Ordinaire et extraordinaire de la police sanitaire au xixe
xixe
siècle
L'édiction d'une réglementation nationale et durable n'intervient qu'au
siècle. Devant la crainte de la contagion de la fièvre jaune sévissant
en Espagne, l'ordonnance du 27 septembre 1821 impose un cordon sanitaire
le long de la frontière, tenu par l'armée et les services des douanes sous le
contrôle des autorités locales et des préfets (41) ; elle limite le nombre de
points de passage avec l'Espagne, prévoit des lazarets provisoires pour la quarantaine
obligatoire et suspend les foires et marchés et le colportage dans la
zone ; des intendances sanitaires, sous la direction des préfets, doivent appliquer
localement les mesures.
(39) Stahl H., « Le droit face aux circonstances sanitaires exceptionnelles : la peste
de 1720 en Provence », RDLF 2020, n° 26, chron., en ligne. Le régent intervient par un
arrêt en Conseil pris le 14 septembre 1720.
(40) Il faut aussi tenir compte de la dépendance croissante des autorités de police
au pouvoir royal à la fin de l'Ancien Régime (Saint-Bonnet F., Sassier Y., Histoire
des institutions avant 1789, 4e
éd., 2011, Montchrestien, p. 415 à 426) et du jeu complexe
des autorités qui surplombent les instances locales, comme le bureau de santé de
Marseille (Hildesheimer F., Le bureau de la santé de Marseille sous l'Ancien Régime :
le renfermement de la contagion, 1980, Marseille, Fédération historique de Provence).
(41) Collection Duvergier, t. 23, p. 495. Le texte reprend à sa suite les ordonnances
royales des 25 août 1683, 26 novembre 1729 (qui maintient les dispositions sur le
débarquement à Toulon et Marseille, sauf pour certaines marchandises comme le blé),
28 janvier 1748 et 27 août 1786, ainsi que la loi du 9 mai 1793.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° Spécial-2021

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