Cours - Droit pénal général - 5e - 123

L'élément légal
a. Les classes d'infractions
228 Crimes, délits et contraventions. - L'article 111-1 du Code pénal prévoit que « les infractions
pénales sont classées, suivant leur gravité, en crimes, délits et contraventions »81
:c'est la classification
« tripartite », dite aussi « légale ». Cela signifie que toute infraction pénale relève de l'une et de
l'une seule82
de ces catégories83
. Par exemple, sont des crimes84
actes de barbarie, la trahison et l'espionnage, le faux-monnayage ; des délits85
les agressions sexuelles autres que le viol, le vol, l'escroquerie, la corruption ; des contraventions86
le meurtre, le viol, les tortures et
l'homicide involontaire,
les
violences légères, les dépôts et jets d'ordures, le défaut de maîtrise du véhicule.
Néanmoins, les infractions, déjà vues, qui n'appartiennent qu'imparfaitement au droit criminel, ne relèvent
pas non plus de la classification tripartite : les contraventions douanières (réparties en cinq
classes) et les contraventions de grande voirie87
ne sont pas des contraventions, de même que les
délits douaniers (répartis en trois classes) et les « délits » fiscaux ne sont pas des délits, au sens de
l'article 111-1 du Code pénal88
. La jurisprudence accepte cependant de les y rattacher lorsqu'elle ne peut
faire autrement pour résoudre une difficulté à laquelle les textes n'apportent aucune réponse expresse
(ce qui, remarquons-le, revient de facto à les inclure dans la classification tripartite par principe pour les
en extraire par exception). Par exemple, la jurisprudence estime que, pour déterminer la teneur de l'élément
moral des « délits » fiscaux, il faut faire application de l'article 121-3, alinéa 1 du Code pénal, selon
lequel les délits sont en principe de nature intentionnelle.
229 Valeur constitutionnelle. - La classification tripartite est partiellement dotée d'une valeur constitutionnelle,
ce qui empêche dans cette mesure le législateur de la supprimer : l'article 34 de la Constitution
confie en effet à la loi « la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont
applicables ». Il en résulte incidemment que la catégorie des contraventions, nulle part évoquée, n'est
pas constitutionnellement protégée : elle pourrait donc, sans contrariété avec les articles 34 et 37, être
abolie89
, et ce nonobstant la position, mal pensée, du Conseil constitutionnel, selon laquelle les
81. Chacun de ces termes s'entend ici dans un sens technique comme désignant les trois familles d'infractions établies en droit pénal (il ne faut
donc pas confondre, comme dans le langage courant, le crime avec le meurtre ou l'assassinat, ni la contravention avec l'amende qui la punit ou
le procès-verbal qui la constate). Dans d'autres disciplines (par exemple la criminologie) ou dans d'autres textes (par exemple la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen), les termes crimes ou délits sont tenus pour synonymes d'infractions pénales.
82. L'on utilisait sous l'empire de l'ancien Code pénal l'expression trompeuse de « délits contraventionnels » (ou «matériels ») : il s'agissait
simplement de désigner des délits dont, par exception, la faute morale légalement requise était la même que celles des contraventions (v. infra,
nº 393).
83. Cependant, une infraction peut être aggravée et alors changer de classe (v. infra, nº 232) ; une même qualification pénale (par exemple celle
de vol) peut donc relever de deux classes distinctes, en fonction des circonstances (il existe ainsi des hypothèses de vol délictuel et d'autres
de vol criminel).
84. Le terme « crime » vient du latin crimen, -inis, de même sens, lequel dérive de la racine indo-européenne ºkrei, « séparer ». Le mot latin
désignait en effet, à l'origine, la décision judiciaire prononcée à propos des faits, et sans doute primitivement le fait même de trier, suivant
l'idée qu'il s'agit pour le juge de passer au « crible » les indices, de « discriminer » le vrai du faux, de « cerner » la vérité (autant de mots apparentés
à « crime »).
85. Le mot « délit » est issu du latin delictus, « faute », participé passé de delinquere, «manquer à » (son devoir), de de,préf. marquant l'achèvement,
et linquere, « laisser, abandonner ».
86. Le substantif « contravention » est dérivé du latin contravenire, « venir contre », « aller à l'encontre de », « agir contre ».
87. En ce sens : Cons. const., 23 sept. 1987, nº 87-151 L. CE, 22juin 1987, nº 50787 : « les contraventions de grande voirie, bien que sanctionnées
par des amendes pénales, ne sont pas, compte tenu de leur objet et de leur régime particulier, notamment des règles de procédure et de
compétence qui leur sont applicables, des contraventions de police ».
88. Contra,pour les « délits » fiscaux, malgré l'absence de peine principale adéquate : Cass. crim., 9 avr. 2015, nº 14-87660, Bull. crim.,nº 76.
89. L'on pourrait, plus radicalement, se demander s'il est permis au législateur de créer une classe d'infraction ignorée par l'article 34 de la
Constitution.
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